mardi 26 mai 2020

Dans le café de la jeunesse perdue - Patrick Modiano



Oh Louki
Que n'étais-je ce timide étudiant
En arrêt devant toi te dévorant
Ou ce privé à l'obscur pédigrée
Que ton mari avait dû engager

Oh Louki
Il y a ceux qui restent Louki
Et puis ceux qui ne le font pas
Ne le pouvant sans doute pas
Dans leur couple dans leur vie

Oh Louki
...
Je veux continuer à t'appeler
Comme on le faisait au Condé
Ton vrai prénom ton vrai nom
C'était pour un autre quartier
Mon vrai nom mon vrai prénom
C'était pour un autre temps
Avec toi je n'étais que Roland

Oh Louki
Il y a ceux qui ont l'art
De la fugue de la fuite
Ceux qui n'en ont que l'espoir
Ceux pour qui elle est inscrite

Oh Louki
Je me demande soudain
Où tu peux être maintenant
Et puis oui je me souviens
Je me souviens forcément


Dans le café de la jeunesse perdue ( Patrick Modiano ) ( 2007 ) Éditions Folio. 

mardi 19 mai 2020

Le procès - Franz Kafka



L'histoire de Joseph K. est célèbre. Elle a, aux côtés de celle de K. du Château, été à l'origine de l'adjectif "kafkaïen".
Un matin, à son réveil, il reçoit par l'intermédiaire de deux hommes la notification de son arrestation et conséquemment du début de son procès. De chapitres en chapitres, d'épisodes en épisodes, cherchant à savoir de quoi et par qui il est accusé, il pénétrera jusqu'à un certain point dans les arcanes d'un monstre inhumain. Parce qu'il faut le préciser, K. est arrêté mais libre d'aller et venir, pourvu qu'il se rende aux convocations de la justice. Il aura beau foncer, tête baissée parfois, se mettre en colère, user d'ironie, de causticité, rien y fera, il ne pourra en aucun cas démonter un seul des rouages de cette machine froide. Ces rouages ont pour visages avocat, juge, huissier ou les proches de ceux-ci. Mais tout est justice, il suffit d'ouvrir une porte anodine, de franchir un couloir, de monter un escalier pour se retrouver au tribunal. Ce sont des murs invisibles que Kafka met sur la route de son héros, comme la première porte de la Loi dans la parabole de l'homme qui bute toute sa vie durant devant celle-ci et son gardien. Et si Joseph K. n'était coupable finalement que de vivre ?
Ce qu'oppose en effet Kafka à cette machine, c'est un être de chair et de sang, avec du caractère, avec des pulsions sexuelles très marquées. Mlle Bürstner et Leni peuvent en témoigner. Alors la vie de Joseph K. peut paraître terne avec son emploi de fondé de pouvoir dans une banque et son existence solitaire dans la pension de Mme Grubach mais il est vivant, et bien vivant !

Ça faisait un moment que ce livre était sur mon étagère et que je lorgnais sa couverture avec le tableau de Bacon. Je n'arrivais pas à me décider à le relire ...
Peut-être parce qu'il existe une nouvelle traduction depuis quelques années et que celle-ci est l'originelle d'Alexandre Vialatte. Et le fait est qu'elle me semble à certains endroits un peu passée. Alexandre Vialatte, dont j'ai lu quelques-unes des excellentes chroniques dans La Montagne, n'était pas germanophone. C'était sa femme qui traduisait avec lui qui l'était. Ils se sont servis qui plus est de la version du livre qu'en a fait Max Brod, qui est sujet à caution.


Le procès ( Franz Kafka ) ( 1925 ) Éditions Folio.


dimanche 3 mai 2020

La neige de Saint Pierre - Leo Perutz



Lors d'un hiver à Morwede, une bourgade de Westphalie, il s'est passé des choses étranges : il y eut une révolte paysanne, un inventeur mettait la dernière main à ses recherches sur une substance ayant de grands pouvoirs, une ancienne lignée impériale était sur le point de renaître de ses cendres ... Cela s'est passé pendant le temps où le docteur Amberg y a pris son premier poste.
Amberg se réveille d'un coma dans un hôpital. Rapidement, il met en doute la version des médecins sur la raison de sa présence en ce lieu. Non, il n'a pas été renversé par cette voiture, il l'a évité et il a bien rejoint la gare où il y a bien pris le train pour Morwede.
Lors du récit qu'il nous fait des événements tels qu'ils se sont déroulés selon lui, tous les lieux, tous les personnages, toutes les atmosphères sont chargés d'interrogations entre raison et folie, de soupçons de conspiration, de manipulation.
Quels sont les buts réels du baron von Malchin, avec ses idées politiques et religieuses et la soi-disant œuvre de sa vie, ceux de Federico, son fils adoptif, au comportement étrange, de Praxatine, son majordome, ce russe exubérant ? Et ce curé et cet instituteur qui semblent en savoir beaucoup plus qu'ils ne veulent bien dire ? Et surtout, quels sont les buts de Kallisto dite Bibiche, la femme dont le docteur est épris depuis la faculté de médecine - est-elle véritablement amoureuse de lui, comme elle le dit haut et fort et si souvent ou ne jouerait-elle pas en fin de compte un double-jeu ? N'y aurait-il pas de ce côté-là aussi quelque plan caché ?
Amberg devra arriver sur son lit d'hôpital pour se faire sa vérité. Et s'y accrocher.

C'est le quatrième livre de Leo Perutz que je lis. Encore une fois, je suis impressionné par la construction de son récit. Et comme pour les précédents, sa fluidité est un tour de force au regard de l'histoire racontée.
Ce roman est paru en 1933. En pleine montée du nazisme. Régime qui le censurera. On peut et on doit, dans l'histoire de Perutz, voir des parallèles avec la situation en Allemagne à cette époque-là.

Une nouvelle fois, un grand merci à Claude pour la découverte de Leo Perutz.


La neige de Saint Pierre ( Leo Perutz ) ( 1933 ) Éditions Zulma.


Album de la semaine #52

Rain dogs - Tom Waits - 1985 Extrait : Downtown train Voilà, c'est le dernier post de ce blog. Merci à tous les visiteurs, merci pour to...