lundi 2 juillet 2018

Trois récits brefs de Franz Kafka



Le prochain village


  Mon grand-père avait coutume de dire : "La vie est étonnamment courte. Maintenant tout se rassemble en moi dans le souvenir, si bien que, par exemple, je comprends à peine qu'un jeune homme puisse se décider d'aller à cheval jusqu'au prochain village sans craindre que - si l'on écarte la possibilité d'un accident - le temps d'une vie ordinaire à l'heureux déroulement ne soit que très insuffisant pour une telle course."


Chacun porte une chambre en soi


  Chacun porte une chambre en soi. Ce qu'on peut vérifier en prêtant simplement l'oreille. Lorsque quelqu'un marche vite et qu'on écoute - ce peut être pendant la nuit quand tout est silencieux - , on entend par exemple le cliquetis d'un miroir mural mal fixé, ou le parapluie.


Je donnai l'ordre d'aller chercher mon cheval à l'écurie 


  Je donnai l'ordre d'aller chercher mon cheval à l'écurie. Le valet ne me comprit pas. J'allai moi-même à l'écurie, sellai mon cheval et le montai. J'entendis une trompette sonner au loin et demandai ce que cela signifiait. Il l'ignorait et n'avait rien entendu. Alors que j'allais franchir la grande porte, il me retint en me demandant : "Où vas-tu ainsi sur ton cheval, maître ?" "Je ne sais pas", dis-je, "je veux juste partir d'ici, juste partir d'ici. Ne cesser de partir d'ici, c'est seulement comme cela que je pourrai atteindre mon but." "Tu connais donc ton but ?", me demanda-t-il. "Oui", répondis-je, "je viens de le dire, partir d'ici, tel est mon but." "Tu n'as pas de provisions avec toi", dit-il. "Je n'en ai pas besoin, le voyage est si long que je devrai mourir de faim si je ne trouve rien en chemin. Il n'y a pas de provisions qui puissent me sauver. Par bonheur, c'est un voyage vraiment immense."


Le prochain village tiré de Un médecin de campagne ( 1918 )
Chacun porte une chambre en soi tiré de Cahier in-octavo B, Janvier-Février 1917
Je donnai l'ordre d'aller chercher mon cheval à l'écurie tiré de Cahier dit de L'artiste de la faim 1915-1922

Chacun porte une chambre en soi ( Franz Kafka ) pp. 57, 31 et 87 ( Nouvelle traduction de Laurent Margantin ) ( Éditions PubliePapier )

6 commentaires:

  1. Ce sont des textes lourds de sens caché, poétiques, métaphysiques et philosophiques...Du Kafka, quoi...
    Merci pour ces extraits très parlants. J'aime particulièrement le troisième.

    Céleste
     •.¸¸.•*`*•.¸¸✿

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  2. Que des textes brefs dans ce recueil. Tous profondément signifiants. Je connaissais déjà le premier. Il faisait partie d'un recueil de textes dans lequel il y avait La Métamorphose que j'ai dû lire adolescent. Ce sont les deux dont je me rappelle, le plus long et le plus court.
    Merci de ton passage Célestine.

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  3. Les textes de Kafka, comme le dit Célestine, sont beaucoup chargé de ces sens sibyllins et difficiles à interpréter. C'est étrange mais Kafka était né un certain 03 juillet 1883, un trois juillet sibyllin, dirais-je.

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    1. Hé hé !
      Ma petite Sibylle serait née le même jour que Kafka ? Ça alors !🌿

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    2. Je n'avais pas fait le rapprochement. Je comprends mieux le com' de Bizak.
      Bises.

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  4. Beaucoup de ses textes brefs le sont. Le problème dans l'œuvre de Kafka est de savoir ce qui est achevé et ce qui ne l'est pas. Son œuvre est vraiment un cas à part.
    Merci de ta visite Bizak et désolé pour cette réponse un peu tardive.

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