samedi 30 décembre 2017

The Portland sessions - Joe Henry / Lisa Hannigan et The Wild Reeds

Oh, je sais, j'ai déjà posté une vidéo de Joe Henry et ça il n'y a pas si longtemps. Mon excuse pour en poster une seconde est que dans cet épisode, notre héros n'est pas seul mais en la très belle compagnie de Lisa Hannigan.
Lisa et Joe chantent trois chansons :
Little bird ( Lisa Hannigan )
Piano furnace ( Joe Henry )
Passenger ( Lisa Hannigan )


The Portland sessions est une série d'enregistrements de différents artistes à chaque fois filmés de la même manière et cela dans un lieu unique et sans public.

Je mets également en bonus un extrait de The Wild Reeds, un groupe que je viens de découvrir grâce à cette série. La chanson sappelle Love letter.


Guitares, mandoline, ..., belles voix, banjo pour cette fin d'année.
Un bon réveillon à tous.
A bientôt.

mercredi 27 décembre 2017

Les six cordes - Federico Garcia Lorca


Les six cordes

La guitare
fait pleurer les songes.
Le sanglot des âmes
perdues
s'échappe par sa bouche
ronde.

Et comme la tarentule,
elle tisse une grande étoile
pour chasser les soupirs
qui flottent dans sa noire
citerne de bois.


( Graphique de la Petenera - Poésies II ( nrf - Poésie / Gallimard ))

vendredi 22 décembre 2017

"That leaving feeling" - Stuart A. Staples / Lhasa

Stuart A. Staples - dans le clip, c'est la "locomotive à moustaches" - est le chanteur et compositeur du groupe anglais Tindersticks. Lhasa chante deux autres duos avec lui, cette fois sur des disques du groupe mais That leaving feeling elle, est parue sur son essai en solo de 2006, Leaving songs.
PS : Stuart A. Staples possède une résidence  dans les environs de La Souterraine ( 23 ). Peut-être le croiserai-je un de ces jours dans la rue ou à la caisse d'un supermarché, qui sait ?




dimanche 17 décembre 2017

"See the woman" - John Trudell


John Trudell a eu un parcours singulier - tous les parcours le sont mais le sien a fait qu'il est devenu pour moi comme une sorte de phare ...
Il est d'abord militant de défense des droits des Indiens. Entre 1969 et 1971, il est des presque deux ans d'occupation pacifique de la prison d'Alcatraz, en devenant le porte-parole et encore animant une émission de radio : Radio Free Alcatraz. De 1973 à 1979, il est président de l'AIM ( American Indian Movement ). Durant ces années, le FBI empile des milliers de fiches sur lui.
Trudell quitte l'AIM suite à la mort de sa famille dans l'incendie de sa maison. Il accuse le FBI mais ... qui peut prouver quoi que ce soit contre la police fédérale ?
Commence alors pour lui une vie d'errance ... et de poésie.
Sa rencontre avec Jesse Ed Davis, un grand guitariste d'origine indienne lui aussi, le pousse à mettre ses textes en musique. Après la mort de Davis en 1988, il continuera : sa poésie dite sur un mélange de blues-rock et de chants traditionnels indiens.

J'ai découvert John Trudell avec AKA Grafitti man. J'ai écouté cet album des dizaines et des dizaines de fois. Je lui trouvais une espèce de perfection, peut-être avant tout dans l'équilibre entre morceaux lents et rapides, entre textes revendicatifs ou plus intimes. Je me disais que Bob Dylan avait raison quand il disait que c'était pour lui le meilleur album de 1986. Plus tard, j'ai appris que mon AKA Grafitti man à moi, sorti en 1992, était en fait une compilation faite pour le marché européen qui reprenait simplement le titre de l'album de 1986 que l'oncle Bob passait en première partie de ses concerts, lui donnant comme ça un sacré coup de pouce.

John Trudell, le "guerrier" sioux est mort il y a deux ans et il a eu un parcours singulier - tous les parcours le sont mais le sien a fait qu'il est devenu pour moi comme une sorte de phare, de héros, un visage pour la révolte si je devais lui en donner un.


J'avais le choix entre beaucoup de morceaux aux ambiances différentes : Bombs over Bagdad, son virulent pamphlet contre les USA du premier Bush ( Des vampires boivent du sang dans des cocktails de pétrole ), Crazy Horse, sur la pensée du grand chef indien ( Crazy Horse, nous avons entendu ce que tu as dit : Une terre, une mère ), Tina smiled, sur sa femme disparue ( La dernière fois que je l'ai vue, Tina souriait ).
J'ai finalement opté pour See the woman, cette ode à la femme et à toutes les femmes qui n'est pas sur AKA Grafitti man mais sur Johnny Damas and me, son disque de 1994. Une des raisons de mon choix est que j'ai aimé en traduire le texte.


Observe la femme

Elle a un jeune visage
Un visage vieux
Elle se porte bien

Dans tous les âges
Elle survit à toutes les actions de l'homme

Dans certaines tribus elle est libre
Dans certaines religions
Elle est sous le joug de l'homme
Dans certaines sociétés
Elle vaut ce qu'elle consomme

Dans certaines nations
Elle est force délicate
Dans certains pays
Elle est dite faible
Dans certaines classes
Elle est une propriété

Dans tous les exemples
Elle est soeur de la terre
Dans toutes les situations
Elle est source de vie
Dans toute vie elle est notre nécessité

Observe les yeux de la femme
Des fleurs ondoyantes
Sur les collines éparpillées
Soleil dansant qui appelle les abeilles

Observe le cœur de la femme
Des papillons de lavande
Sur un ciel bleu
Voile de pluie tombant
Sur de douces roses sauvages

Observe la beauté de la femme
Un éclair striant
L'obscurité des nuits d'été
Les forêts de pins s'accouplant
Avec la première neige d'hiver

Observe l'esprit de la femme
Jour après jour servant le courage
Avec le rire
Sa respiration un rêve
Et une prière

dimanche 26 novembre 2017

"Atini alnay wa ghanny" - Lhasa

Le troisième post de ce blog proposait "On rit encore", un duo avec Arthur H. C'est une chanson originale de Lhasa que l'on ne peut trouver que sur le disque en public d'Arthur H, Show time.

Ici, une deuxième vidéo avec la reprise de Fairuz, Atini alnay wa ghanny ( Donne-moi la flûte et chante ). Au début de la vidéo, Lhasa parle du Liban. Son grand-père était originaire de ce pays, elle évoque le parcours de celui-ci dans sa chanson "J'arrive à la ville".


Atini alnay wa ghanny ( Donne-moi la flûte et chante ) est un poème de Khalil Gibran dont voici une traduction en français.

Donne-moi la flûte et chante
Car le chant est le secret de la vie éternelle
Et le gémissement de la flûte restera
Après la disparition de l'univers

As-tu, comme moi, pris la forêt
Pour demeure au lieu des palais ?
Et as-tu suivi le cours des ruisseaux
Et escaladé les rochers ?

T'es-tu baigné de parfum
Et séché de lumière ?
Et as-tu bu l'aube en tant que vin
Dans des coupes faites d'éther ?

Donne-moi la flûte et chante
Car le chant est le secret de la vie éternelle
Et le gémissement de la flûte restera
Après la disparition de l'univers

T'es-tu, comme moi, assis l'après-midi
Entre les plants de vignes
Et les grappes qui pendent
Comme des lustres dorés ?

As-tu, la nuit, pris l'herbe comme couche
Et le ciel pour couverture
Renonçant à ce qui adviendra
Oubliant ce qui est passé ?

Donne-moi la flûte et chante
Car le chant est intégrité pour les cœurs
Et le gémissement de la flûte restera
Après la disparition de l'univers

Donne-moi la flûte et chante
Et oublie maux et remèdes
Car les hommes ne sont que des lignes
Écrites mais avec de l'eau

( Traduction : Mahmoud B. ( Lyricstranslate.com ))

Lhasa


Découverte 
Je ne sais plus. C'était pourtant il n'y a pas si longtemps que ça. Etait-ce au moment de sa mort ou bien alors juste avant ? Finalement, maintenant, qu'est-ce que cela change ? La perte est immense. Le trésor aussi ...

Les faits bruts
Lhasa ( de son nom complet Lhasa De Sela ) est née le 27 Septembre 1972 à Big Indian, New York et est décédée le 1er Janvier 2010 à Montréal.
Née dans une famille nombreuse et nomade aux Etats-Unis, à sa majorité elle s'installe au Canada, se posera deux à trois ans à Marseille, pour finalement revenir à Montréal.

Elle a publié dans sa carrière trois albums. La Llorona en 1997, composé de traditionnels et d'originaux écrits avec Yves Desrosiers. The living road ( 2003 ) lui est trilingue ( français, espagnol, anglais ), l'anglais seule langue de son ultime disque, Lhasa ( 2009 ). 35 chansons ...

Les albums 
La Llorona nous entraîne du côté du Mexique, mais au-delà dans un pays imaginaire où nous n'aurons que ces légendes chantées par Lhasa pour en délimiter les frontières. Dans The living road, c'est la route qu'elle chante et fait chanter, laissant sur le bas-côté 12 pierres pour ceux qui la suivent. Sur Lhasa ( 2009 ), le voyage est là, toujours, mais plus vers l'intérieur cette fois, ce que porte un folk crépusculaire et une voix qui, si elle n'a plus ses jaillissements habituels, se fait plus profonde.

Je milite
Je milite - seul, sans banderole, en silence - pour que soit réunis sur disque les collaborations avec d'autres artistes et les reprises qu'elle a pu semer ici et là tout au long de sa carrière. Pour ce qui est des collaborations, elles sont déjà disponibles sur les albums des artistes respectifs avec qui elle a chanté mais pour certaines déjà difficiles à se procurer.

Info
Prêt de huit ans après sa disparition, un nouveau disque de Lhasa sort : il s'agit d'un album enregistré en public en Islande lors de sa dernière tournée, Live in Reykjavik.


samedi 25 novembre 2017

Enfant et sa mère ( Dorothea Lange )


Enfant et sa mère, Wapato, Yakima Valley, Washington ( 1939 ) Dorothea Lange ( 1895 - 1965 ) Library of congress, Washington.

jeudi 16 novembre 2017

Les îles grecques - Lawrence Durrell


Je soupçonne que la version de la religion grecque que nous apercevons par la lunette du christianisme paulien est plutôt déformée. Mais il est certain que dans un monde où les dieux mettaient si activement leur nez dans la vie des hommes, où l'on pouvait effectivement célébrer un mariage rituel avec une déesse, la vie courante des gens ordinaires devait être différente de la nôtre. Quand on entendait frapper à la porte, on ne savait jamais si ce n'était pas Aphrodite elle-même ayant pris forme humaine. Et souvent c'était elle, mais vous ne vous en rendiez compte en général qu'après son départ. L'âme humaine se déplaçait sans peine entre ciel et terre, et il ne nous est pas vraiment possible de juger le genre de considérations religieuses qui dictaient aux anciens Grecs l'ordre de leurs priorités. Aujourd'hui, les poètes sont les seuls qui n'aient pas perdu la faculté de deviner Aphrodite sous le déguisement d'une vieille gardienne de troupeaux ou d'une commère ridée.


Les îles grecques  ( Lawrence Durrell ) ( 1978 ) p. 220 ( Bartillat ) ( Edition originale : Albin Michel ).


lundi 23 octobre 2017

"Because the night" - 10 000 Maniacs

Je n'aime pas beaucoup les 10 000 Maniacs. J'aime énormément Natalie Merchant et cette extraordinaire reprise de la chanson de Patti Smith.
Natalie Merchant, peut-être la plus belle voix de l'Amérique des trente dernières années. Rien à dire de plus. J'espère pouvoir mettre dans le futur ici des vidéos d'elle lors de sa carrière solo qu'elle a commencé quelques mois après cette ultime apparition avec son groupe lors de l'émission MTV Unplugged en Avril 1993.

Parce que la nuit appartient aux amoureux
Parce que la nuit nous appartient ...


mercredi 18 octobre 2017

"Seer" - Johan Asherton

Johan Asherton a écrit une biographie d'une de ses idoles, Marc Bolan. En feuilletant le livre après ma lecture, je me suis étonné de ne pas voir de nom de traducteur. Le livre que je venais de lire était écrit dans une langue élaborée pourtant. Qui était donc ce Johan Asherton que je venais aussi de découvrir musicalement ? C'était avant Internet pour moi. Aujourd'hui, c'est plus facile bien sûr pour avoir des informations.
C'est grâce à un Télérama que j'ai ouvert à la critique de son album Trystero's empire, que j'ai connu Johan Asherton. Lorsque j'ai lu ce titre, j'ai pensé à Vente à la criée du lot 49 de Thomas Pynchon auquel il fait référence. Et cela m'a poussé à parcourir le billet. Et ça aurait pu s'arrêter là. Mais non - j'ai peut-être même acheté le magazine pour la relire plus calmement. Dans celle-ci, on parlait de Marc Bolan, de Syd Barrett et de Nick Drake. Comment aurait-il pu y avoir meilleurs auspices ?

En fait, Johan Asherton est français et ne chante qu'en anglais.

Voici donc Seer en "vidéo". Je mets des guillemets parce que ce n'est qu'une photo pour illustrer l'écoute de la chanson. Mais en fin de compte, c'est assez conforme à mes premiers pas avec la musique d'Asherton. Écoutant la première chanson de Trystero's empire, feuilletant le livret du cd.


Seer

Johan Asherton : vocals and acoustic guitar
Gweltas Simon : tampura
Jean-Jacques Barbette : tibetan bowl, tam-tam
Oswaldo G. Nieto : sounds


I can see
What you cannot see
It's easy, it's free
And it hurts
Most of the time

And it's more
Than a simple door
Or a moving floor
Like Beauty
A voice, sublime

In the grey
Of a defunct day
Things will call their way
In a house
That's lost in time

And you'll see
What I cannot see
And you'll hear with fear
Like Beauty
A voice, sublime

jeudi 12 octobre 2017

"This afternoon" - Joe Henry

Joe Henry et moi, ça a commencé par un acte manqué. Par deux même. Je me souviens parfaitement avoir vu son album Trampoline dans les rayons de la médiathèque il y a très longtemps. Et je ne l'ai jamais emprunté. Joe Henry est également un producteur très demandé, son nom apparaissant sur différents disques, notamment sur celui du grand retour de Solomon Burke et là encore, je n'ai pas tilté; il y avait pourtant une de ses compositions. Il aura fallu une petite dizaine d'années supplémentaire pour que je sois attiré par la pochette de Tiny voices, qui m'a un peu fait pensé à Freaks, que j'écoute ce qu'il y avait derrière et que j'en devienne tout de suite dingue - je ne crois pas mentir si je dis dès les premières mesures du premier morceau "This afternoon".

Voilà ce titre donc en version "live", mais j'aurais pu sans doute choisir n'importe lequel des morceaux des cinq disques de Joe Henry que je possède à l'heure actuelle - j'en aurais probablement un sixième à la fin du mois, le nouveau "Thrum" sort le 27 Octobre. J'avais d'ailleurs initialement porter mon choix sur le premier titre de Scar ( 2001 ) mais je n'ai pas trouvé de vidéo. C'est mieux ainsi. Vous pourrez le découvrir par vos propres moyens. Le titre s'appelle Richard Pryor adresses a tearful nation, il dure plus de 6 minutes et à 3'25, il y a une des interventions musicales les plus belles que j'ai entendues.
Joe Henry, une musique parfaite pour la nuit, que votre habitacle soit en mouvement ou non.



mardi 10 octobre 2017

Deuil dans le coton - Extrait


- Viens voir, Tom, dit-il à mi-voix. Viens les regarder.
Je ne bougeai pas.
- Tu entends, petit ?
Je me levai. La force de l'habitude. J'allai à la porte à côté de P'pa.
- Regarde-les, murmura-t-il. Regarde-moi ça. Vingt-cinq mille dollars !
On aurait cru entendre le démarcheur.
- Vingt-cinq mille dollars !
Il s'apprêtait à le répéter une troisième fois, mais sa voix se brisa au milieu du vingt-cinq et il n'alla pas plus loin.
- Que Dieu damne son âme immortelle, psalmodia-t-il.
Et je le répétai après lui.
- C'est de sa faute ! Tout est de sa faute ! Il est pas digne de vivre !
- Non, dis-je, il n'en est pas digne.
P'pa tourna une seconde les yeux vers moi, mais il faut croire que les derricks étaient un spectacle autrement fascinant. Et, pour lui aussi, l'habitude était une seconde nature. En tous cas, si l'idée l'effleura que nous ne maudissions pas la même personne, il n'en laissa rien paraître.

Deuil dans le coton ( Jim Thompson ) ( 1952 ) pp 55-56 ( Folio Policier )
Titre original : Cropper's cabin


vendredi 22 septembre 2017

Pennsylvania Coal Town ( Edward Hopper )


Pennsylvania Coal Town 
Huile sur toile ( 1947 ) d'Edward Hopper ( 1882 - 1967 )
Butler Institute of American Art, Youngstown, Ohio

lundi 18 septembre 2017

Richard Brautigan - Nouvelle


L'effet Scarlatti

- Ce n'est pas facile de vivre dans un studio à San José avec un homme qui apprend à jouer du violon.
  C'est ce qu'elle a dit aux policiers, en leur tendant le revolver vide.

- - - - - -

La vengeance de la pelouse ( Richard Brautigan ) ( 1971 ) p 64 ( Christian Bourgois ) ( 10 / 18 )


jeudi 14 septembre 2017

De si jolis chevaux - Extrait

  Cette nuit-là il rêva de chevaux dans un champ sur une haute plaine où les pluies printanières avaient fait surgir de terre l'herbe et les fleurs sauvages et les fleurs s'étendaient au loin rien que du bleu et du jaune à perte de vue et dans le rêve il était parmi les chevaux qui passaient au galop et dans le rêve il pouvait courir lui aussi avec les chevaux et il poursuivait les jeunes juments et les jumentins à travers la plaine où leurs somptueuses robes baies et leurs somptueuses robes châtaines chatoyaient au soleil et les jeunes poulains couraient aux côtés de leurs mères et piétinaient les fleurs dans un brouillard de pollen qui restait suspendu dans les rayons de soleil comme des grains d'or broyé et ils couraient lui et les chevaux le long des hauts plateaux où le sol grondait sous leurs rapides sabots et ils déferlaient et tournaient et couraient et leurs crinières et leurs queues flottaient autour d'eux comme de l'écume et il n'y avait rien d'autre en ce monde d'en haut et tous tant qu'ils étaient ils se déplaçaient dans une résonance qui était entre eux comme une musique et nul parmi eux cheval poulain ou jument ne connaissait la peur et ils passaient au galop dans cette résonance qui est le monde lui-même et qui ne peut être dite mais seulement célébrée.

De si jolis chevaux ( Cormac McCarthy ) ( 1992 ) p 184 ( Points )

dimanche 10 septembre 2017

Femme se poudrant le cou ( Kitagawa Utamaro )


Femme se poudrant le cou 
Estampe nishiki-e de Kitagawa Utamaro ( 1753 - 1806 ) vers 1795-96
Musée national des Arts Asiatiques - Guimet, Paris

lundi 4 septembre 2017

Tropique du cancer - Extrait


"J'aime tout ce qui coule", dit le grand Milton aveugle de notre temps. Je pensais à lui ce matin quand je me suis éveillé avec un grand cri sanglant de joie : je pensais à ses fleuves et à ses arbres et à tout ce monde de la nuit qu'il est en train d'explorer. Oui, me disais-je, moi aussi j'aime tout ce qui coule : les fleuves, les égouts, la lave, le sperme, le sang, la bile, les mots, les phrases. J'aime le liquide amniotique quand la poche des eaux se crève, j'aime le rein avec ses calculs douloureux, sa gravelle et je ne sais quoi; j'aime l'urine qui jaillit brûlante, et j'aime la blennorragie qui s'écoule indéfiniment; j'aime les mots des hystériques et les phrases qui coulent comme la dysenterie et reflètent toutes les images des maladies de l'âme; j'aime les grands fleuves comme l'Amazone et l'Orinoco, où des hommes timbrés comme Moravagine vont flottant à travers rêve et légende sur un canot et se noient aux bouches aveugles du fleuve. J'aime tout ce qui coule, même le flux menstruel qui emporte les œufs non fécondés. J'aime les écritures qui coulent, qu'elles soient hiératiques, ésotériques, perverses, polymorphes ou unilatérales. J'aime tout ce qui coule, tout ce qui porte en soi le temps et le devenir, tout ce qui nous ramène au commencement où ne se trouve point de fin : la violence des prophètes, l'obscénité qui est extase, la sagesse des fanatiques, le prêtre avec sa litanie gommeuse, les mots ignobles de la putain, la salive qui s'écoule dans le ruisseau de la rue, le lait du sein et le miel amer qui coule de la matrice, tout ce qui est fluide, tout ce qui se fond, tout ce qui est dissous et dissolvant, tout le pus et la saleté qui en coulant se purifient, tout ce qui perd le sens de son origine, tout ce qui parcourt le grand circuit vers la mort et la dissolution. Le grand désir incestueux est de continuer à couler, ne faire qu'un avec le temps, et fondre ensemble la grande image de l'au-delà avec "ici et maintenant". Désir infatué, désir de suicide, constipé par les mots et paralysé par la pensée.

Tropique du cancer  ( Henry Miller ) ( 1934 ) pp 357-358 ( Folio )

Album de la semaine #52

Rain dogs - Tom Waits - 1985 Extrait : Downtown train Voilà, c'est le dernier post de ce blog. Merci à tous les visiteurs, merci pour to...