mardi 22 décembre 2020

La crucifixion en rose - Henry Miller

 


Ah, Henry ! Sacré Henry ! Il faut que je vous dise : il est revenu me voir ... La dernière fois, je crois que c'était pour Pâques et c'est comme si nous ne nous étions pas quittés ...

C'est toujours la même chose, il débarque, il s'assoit et aussitôt le voilà parti. Parce que vous vous en doutez, c'est surtout lui qui parle. Parfois, emporté par ce qu'il dit, il se lève, arpente la pièce de long en large ... Ses grands sujets, ce sont Mona et l'écriture, ses premières heures auprès de l'une et l'autre ... Elles vont de pair. Ecrivain, il l'est déjà bien avant d'avoir tapé sa première ligne mais c'est sa femme qui le pousse à quitter son emploi pour l'être à plein temps. Pour ne faire que ça, ne penser, ne vivre que pour ça ... mais ce ne fût pas si facile de trouver sa voix, celle-là même qui me captive tous les soirs que nous passons ensemble. 


Et vous le connaissez Henry, ce "roc heureux" comme il se surnomme lui-même et si vous avez déjà passé une soirée en sa compagnie, vous savez son énergie hallucinante. Il peut tout à coup se mettre à vous détailler une partie de jambes en l'air avec Mona, passer à Dostoïevski puis à Ulric, O'Mara, le docteur Kronski ou un autre de ses nombreux amis ou bien encore à Stasia, sa rivale dans le cœur de Mona. 

Nous avons repris nos conversations à l'endroit exact où nous nous étions arrêtés la dernière fois. Je vois dans son regard le plaisir qu'il prend à me parler parce qu'il voit dans le mien le plaisir que j'ai à l'écouter. 


Et savez-vous, il vient de m'annoncer qu'il restait passer les fêtes avec moi ...


Sexus ( 1949 ),  Plexus ( 1952 ), Nexus ( 1959 ) - La crucifixion en rose ( Henry Miller ) Editions Le Livre de Poche 

mardi 24 novembre 2020

Le tonneau magique - Bernard Malamud

 


Le tonneau magique, le premier recueil de nouvelles de Bernard Malamud a été publié un an après son deuxième roman Le commis. Dans la nouvelle d"ouverture, on retrouve d'ailleurs le germe de l'histoire déployée dans Le commis.

Après s'en être empêché dans son premier roman, Malamud se plonge dans le monde dont il est issu et qu'il connaît le mieux, la communauté juive new-yorkaise. Celle humble, peu argentée, celle des cordonniers, des tailleurs, des gardiens d'immeubles, des épiciers comme celui du Commis. Et comme Frank et Helen dans ce roman, ils rêvent tous de se sortir de la situation dans laquelle ils sont. Cette situation peut être professionnelle - ils voudraient trouver un nouvel emploi, un plus valorisant, qui leur rapporterait plus ; elle peut être amoureuse - ils convoitent une fille, une femme et imaginent la vie qu'ils pourraient leur donner ; géographique tout simplement - ils souhaitent partir, parce qu'il est ardu de changer de vie en restant où l'on est. Pour un temps, dans trois nouvelles, les personnages réussissent à faire cela et pour les trois, ce sera l'Italie leur destination. Si la première histoire est humoristique, les deux autres sont beaucoup plus cruelles. 

Ce recueil m'a énormément plu. Sur le quatrième de couverture, on parle de Dublinois de James Joyce, mais il m'a plus fait penser à un autre grand recueil de la littérature américaine : Winesburg-en-Ohio de Sherwood Anderson. Dans Le tonneau magique, la ville est beaucoup plus grande. Il n'y a aucune interaction entre les personnages des différentes nouvelles mais ça ne les empêchent pas d'avoir beaucoup en commun, aspirations, façons d'appréhender la vie, parfois réactions face à l'adversité, etc. C'est grâce à la plume de Bernard Malamud qui est sans fioriture, qui ne veut pas les juger mais seulement les rendre humains. 

J'ai lu Le tonneau magique après avoir lu Le commis après avoir lu la récente et excellente chronique sur ce roman sur le blog Blogart ( La comtesse ) ( eeguab.canalblog.com ). Merci Claude. Encore un grâce à toi !

Le tonneau magique ( 1958 ) Le commis ( 1957 ) ( Bernard Malamud ) Editions Rivages 



vendredi 13 novembre 2020

Je marche sous un ciel de traîne - Maylis de Kerangal

 


Ce ciel de traîne sous lequel marche Antoine Dezergues se trouve dans le Périgord Noir. Il est venu là un peu pour faire des illustrations de livres, un peu pour fuir Paris, lieu où il a vécu une histoire d'amour désormais achevée et un peu aussi par hasard. Car c'est bien une panne de voiture qui le fait s'arrêter dans ce pays où il fera la connaissance d'un des personnages clés de Ribérac, Armand Tabasque, le libraire, qui est en faillite. En même temps qu'il est rapidement attiré par Claire, la nièce d'Armand, venue se ressourcer chez son oncle, Antoine se pose des questions sur son nouvel ami. Quelle est l'histoire de cette famille - il faut ajouter Georges, le père de Claire et Hélène, la mère des deux frères Tabasque - qui a quitté Dakar pour venir s'enterrer dans ce Périgord ? Quelles sont aussi les relations, dont la surface laisse deviner une grande profondeur, d'Armand avec son ami Charly ainsi qu'avec un de ses "ennemis", Tarneyrac, un spécialiste des monuments historiques, qui semble vouloir défendre jalousement que l'on s'approche de la chapelle de Brégueil ? Antoine le comprend après en avoir fait un dessin.

Si c'est par hasard qu'Antoine est tombé à Ribérac, il semble qu'il y soit pour certaines raisons. Peut-être y retrouver l'amour et quitter ce marasme qu'était devenue sa vie. Peut-être pour faire sortir certains secrets de leurs tombes. 

J'ai été poussé vers ce très beau livre un peu par son titre que je trouve magnifique et beaucoup par le post récent d'un blog sur lequel j'aime aller régulièrement : Mémoires de bison ( memoiresdebison.blogspot.com ). 


Je marche sous un ciel de traîne ( Maylis de Kerangal ) ( 2000 ) Editions Verticales 

jeudi 12 novembre 2020

The dead don't die - Jim Jarmusch

 


A Centerville et l'annonce les infos, partout dans le monde, il se passe des choses étranges depuis qu'une fracturation polaire aurait modifié l'axe de la rotation terrestre : cela a un impact sur la durée d'ensoleillement, sur les appareils ( montres, téléphones portables, téléviseurs ) qui se détraquent et ... sur les morts qui sortent de leurs tombes.

Dans cette ville, puisque c'est ici que la caméra de Jarmusch s'est posée, les habitants vont devoir faire face à cette invasion des morts-vivants. Ils le feront différemment, avec les armes et le courage qu'ils ont à leur disposition. Nous suivrons trois policiers, une médecin-légiste, un fermier, un trio de vacanciers, un pompiste et son ami retraité, des employées d'un snack-bar, des jeunes d'un internat et un ermite. Peu seront épargnés. 

The dead don't die est donc un film de zombies. C'est la parodie de ce genre par Jim Jarmusch. Je ne changerai rien à ce que j'ai écrit dans mon précédent post : toute son œuvre me va, comme un gant. Même si, en y ajoutant aujourd'hui son dernier film en date, je dois le classer parmi les déceptions. Cette fois, la jaquette du DVD dit : "Un casting à réveiller les morts". Ce n'est pas mensonger : les morts se réveillent en effet et le casting est fourni. Ce casting me fait d'ailleurs l'effet d'un grand banquet pour remercier certains acteurs qui suivent Jarmush, pour certains depuis longtemps. On revoit ainsi Ezther Balint ( Stranger than paradise ), Tom Waits ( Down by law ), Steve Buscemi ( Mystery train ).

C'est peut-être de là que vient le problème. La volonté de Jarmusch de rendre hommage aux films de genre alors que son cinéma ne s'y prête sans doute pas et celle aussi de donner à tous prix à ses acteurs connus un rôle, si maigre soit-il. 


The dead don't die ( Jim Jarmusch ) ( 2019 ) 

samedi 7 novembre 2020

Une semaine avec Leonard Cohen 6/7

L'étranger - Graeme Allwright 

Album : Le jour de clarté ( 1968 ) 

Version originale : The stranger song ( Songs of Leonard Cohen ) ( 1967 ) 




jeudi 5 novembre 2020

Une semaine avec Leonard Cohen 4/7

La Manic - Leonard Cohen 

Album : Can't forget, A souvenir of the Grand Tour ( 2015 ) 

Auteur / Version originale : Georges Dor






mercredi 4 novembre 2020

Une semaine avec Leonard Cohen 3/7

Cadeau

   Tu me dis que le silence 
est plus près de la paix que les poèmes 
mais si en cadeau
je te donnais le silence 
( car je sais le silence ) 
tu dirais 
   Ce n'est pas le silence 
c'est un autre poème 
et tu me le rendrais


La boîte d'épices de la terre ( 1961 ) Musique d'ailleurs 1 ( 1993 ) Editions 10/18




mardi 3 novembre 2020

Une semaine avec Leonard Cohen 2/7

Hey, that's no way to say goodbye - Roberta Flack 

Album : First take ( 1969 ) 

Album Leonard Cohen : Songs of Leonard Cohen ( 1967 ) 




lundi 2 novembre 2020

Une semaine avec Leonard Cohen 1/7

First we take Manhattan ( Clip officiel ) 

Réalisation clip : Dominique Issermann

Album : I'm your man ( 1988 ) 




mardi 27 octobre 2020

Treize histoires - William Faulkner

 


Ma lecture de Treize histoires fait suite, plusieurs années après, à celle du petit recueil Une rose pour Emily, quatre nouvelles piochées parmi ces treize-là.

Le livre est divisé en trois parties. La première regroupe quatre histoires de guerre, ou plutôt "d'après la guerre". Elles sont principalement inspirées par la petite expérience de l'auteur dans l'aviation. Cette guerre, la première, qui a fait beaucoup de morts et plus encore de morts vivants, tous vaincus de quelque côté qu'ils soient. La guerre est également présente dans la troisième partie et ses trois nouvelles avec cette fois l'Italie en toile de fond. On mettra le dernier texte Carcassonne à part, quelques pages d'un rêve entre profondeurs de la mer, cavalier et cheval grimpant jusqu'au firmament où l'on retrouve dans sa construction et sa musique un peu du Faulkner du Bruit et la fureur. Ce Faulkner-là, c'est celui de son comté imaginaire, le Yoknapatawpha, creuset de tous ses chefs d'œuvre. C'est celui aussi ici des six histoires qui forment la partie centrale. Les quatre nouvelles que je connaissais déjà, Une rose pour Emily, Chevelure, Soleil couchant et Septembre ardent côtoient deux autres textes, Feuilles rouges et Un juste, dans lesquels nous remontons le temps : le comté étant alors dirigé par les Indiens, il faut prendre pour argent comptant leurs croyances, leur magie ainsi que leur violence.

C'est toujours une lecture déroutante un livre de Faulkner, quel qu'il soit. Il faut souvent se contenter de ressentir à défaut de comprendre. Finalement, c'est un peu moins le cas pour les quatre histoires extraites dans Une rose pour Emily, qui sont de ce fait plus accessibles. Si Soleil couchant reste quand même ma préférée car on y retrouve là les Compson, les parents et trois des enfants, Caddy, Jason et Quentin, ces quatre nouvelles sont-elles pour autant les meilleures ? Il y a tellement dans tous les textes de William Faulkner, qu'il faudrait pouvoir lire et relire, tant de choses nous échappant à la première lecture. 

Treize histoires ( William Faulkner ) ( 1931 ) Editions Folio. 

vendredi 23 octobre 2020

Paterson - Jim Jarmusch

Notre Palme d'or, dit Télérama sur la jaquette du Dvd. Si les films de Jarmusch ont souvent été récompensés, aucun n'a jamais eu la Palme. Je ne sais pas si celui-ci aurait dû l'avoir, la méritait plus que le film primé ; pour moi, c'est toute l'œuvre de Jarmusch qui est une de mes Palmes d'or. 

J'aime par exemple l'œil qu'il pose sur le monde, son humour subtil, son éloge de la lenteur cinématographique. J'aime par exemple ses bandes originales ( Neil Young, John Lurie, Tom Waits, etc ), la galerie de musiciens qui peuple ses films, le cosmopolitisme de ses acteurs ...

Bien sûr, je suis parfois resté sur ma faim, c'est le cas avec The limits of control ou Coffee and cigarettes ( version long métrage ). Il faut dire que souvent il ne se passe pas grand-chose dans les films de Jarmusch, mais je préfère ses pas grand-chose aux trop de choses de beaucoup d'autres. 


Paterson habite à Paterson. Il y est conducteur de bus. Il y mène une vie réglée comme du papier à musique. Il se lève le matin à 6 heures 15, laissant sa compagne Laura dormir encore, déjeune et se rend à son travail. A la fin de son service, il rentre chez lui, remet droite quotidiennement la boite aux lettres qui penche, écoute le récit de la journée de Laura ( elle a fait des cupcakes, elle a repeint quelque chose dans la maison en noir et blanc, ses couleurs fétiches : un rideau, une de ses robes ... ). Apres dîner, il sort leur chien Marvin et s'arrête au bar de Doc où il écoute les petites histoires des habitués comme il l'a fait dans la journée pour ceux de son bus.

Mais dans sa vie, il y a autre chose. Une grande chose. Une deuxième grande chose après son amour pour Laura : la poésie. La poésie qu'il écrit, remplissant son cahier secret. Car elle est partout. Il suffit de savoir regarder. Le poème - c'est comme les chansons pour Keith Richards : elles sont dans l'air, on les attrape ou non - peut venir n'importe quand et de n'importe où. Il peut partir d'une petite boîte d'allumettes et grossir en un beau poème d'amour. C'est comme ça qu'a dû venir "Juste pour te dire" à William Carlos Williams, poème lu dans le film, Williams, natif de la ville de Paterson et qui donna ce nom à sa grande œuvre.


Paterson ( Jim Jarmusch ) ( 2016 )

jeudi 15 octobre 2020

Les oliviers du Négus - Laurent Gaudé

 


Les oliviers du Négus est un recueil de quatre nouvelles seulement, mais toutes excellentes. Laurent Gaudé sait saisir le moment de vérité de ses personnages et son style leurs questionnements, leurs doutes, leurs résolutions face à l'adversité quelle qu'elle soit.

Pourtant, ses personnages viennent d'horizons et d'époques bien diverses. Deux nouvelles nous emmènent en Sicile - décidément un pays cher à l'auteur -, la première auprès d'un homme et de sa famille se rendant à l'enterrement de Zio Négus ( surnom qu'il attrapa à son retour de la guerre en Ethiopie ) et ses souvenirs de cet homme le font réfléchir aux traces que l'on laisse ... la seconde auprès d'un juge à Palerme qui lutte contre la "Bête", qui après l'exécution de son ami Giovanni Falcone, sait maintenant qu'il est le prochain sur la liste et raconte de l'intérieur ses derniers jours. De derniers jours, il en est aussi question dans les deux autres histoires, une nous entraînant aux confins de l'Empire Romain à la suite d'un centurion, l'autre à celle d'un soldat durant la Première Guerre Mondiale. 

Quatre nouvelles bien différentes les unes des autres mais qui toutes ont la mort en commun. La mort qui s'annonce, qui est là, qui s'amuse à faire des œillades à ses prochaines proies ... hommes ... empire ... planète ?


Les oliviers du Négus ( Laurent Gaudé ) ( 2011 )  Editions Actes Sud

lundi 12 octobre 2020

Bords de l'Arno ( Oscar Wilde )

 


La très longue, saisissante, importante Ballade de la geôle de Reading ( 1898 ), que je ne peux reproduire ici, est dans ce petit recueil précédée d'une sélection de vingt-quatre poèmes de 1881. En voici un. 


Bords de l'Arno 

Le laurier-rose sur le mur
Vire au pourpre à la lueur de l'aube,
Mais l'ombre grise de la nuit
S'étend encore sur Florence. 

La rosée éclaire la colline,
Les bourgeons brillent tout là-haut, 
Mais, ah ! les cigales ont fui
Et leur chant attique a cessé. 

A peine si les feuilles bougent
A la suave brise légère 
Et, dans le vallon fleurant l'amandier, 
Chante un rossignol solitaire.

Le jour, bientôt, te fera taire,
Ô rossignol, poursuis ton chant d'amour !
Tandis que sur l'ombreux bocage
Se brisent les flèches de la lune.

Bientôt, le matin filtrera 
De vert vêtu, sur le silence des pelouses
Et lancera à l'amour apeuré 
Les traits blancs de l'aurore, 

En se hissant à l'orient,
Terrassant la nuit qui frémit, 
Sans souci que mon cœur soit heureux 
Ou que meure le rossignol. 


La ballade de la geôle de Reading ( Oscar Wilde  ) ( 1881 ) ( 1898 ) Editions Folio.

lundi 5 octobre 2020

Leonard Cohen : interviews & conversations

 


Ce livre est comme son nom l'indique un recueil d'interviews de Leonard Cohen. Onze, pour être exact, plus ou moins longues, allant de 1965 à la dernière de 2016 au journal belge Moustique. En point d'orgue, l'entretien très fourni paru en Juillet 1991 dans Les Inrockuptibles Mensuel n°30. Une journée avec Leonard Cohen pour le récit d'une vie. En voici un petit extrait.

Christian Fevret

Vers 20 ans, vous avez été confronté à d'autres disparitions douloureuses. Les avez-vous abordées avec le même détachement que lors de la mort de votre père ?

Leonard Cohen 

J'imagine que oui. Irving Layton a un bon poème sur moi - il me connaissait bien à cet âge-là, j'avais 35 ans, mais il me connaissait depuis mes 17 ans. Il contient une image où je regarde impassiblement un massacre. 

Christian Fevret 

Plus tard, vous avez dit n'avoir eu peur de rien à cette époque : c'est une affirmation très impressionnante.

Leonard Cohen 

Surtout de la part d'un poltron ! Nous étions tous très sûrs de nous à cette époque. Nous ne spéculions pas sur des choses comme la mort, nous n'étions pas français ! Je savais que le monde était une boucherie, mais je pensais que c'était normal. Et je le pense toujours. Jamais je n'ai cru pouvoir le traverser sans être méchamment tailladé. Mais j'étais prêt pour le voyage. Anxieux, mais disposé à le faire. 

Christian Fevret 

Les gens ont ensuite parlé de vous comme d'un jeune homme très troublé, incertain de ses convictions, quelqu'un d'un peu absent.

Leonard Cohen 

Eh bien ... J'ai commencé à déprimer peu après cette déclaration d'intention héroïque !

.../...


Ultime : Leonard Cohen Interviews & conversations ( 2019 ) Editions Nova


mercredi 30 septembre 2020

Une chanson de Lhasa pour le Liban

Dimanche dernier, j'ai entendu un extrait de Mappemonde, chanson écrite pour le concert caritatif Unis pour le Liban. Hiba Tawaji, M, Ibrahim Maalouf sur des mots d'Andrée Chedid. Superbe. 

J'ai pensé à Anywhere on this road que Lhasa avait enregistré avec Ibrahim Maalouf pour son deuxième album The living road. Je ne sais pas si demain soir quelqu'un chantera Lhasa mais elle serait à sa place. Elle avait un grand-père libanais. Elle a chanté Fairouz. 

Voici une version en public et une avec Yael Naïm au chant.






mardi 29 septembre 2020

L'amant de Lady Chatterley - D.H. Lawrence

 


L'histoire du livre de D.H. Lawrence est très célèbre. Plusieurs adaptations au cinéma ont eu lieu. Constance, Lady Chatterley, mariée à Sir Clifford, le trompe avec Oliver Mellors, son garde-chasse. L'amant de Lady Chatterley, publié en 1928 en Italie, a été interdit en Angleterre et aux États-Unis jusqu'en 1960 à cause de scènes sexuelles explicites. 

La jeune écossaise Constance ( Connie ) Reid, devient après son mariage Lady et vient s'installer à Wragby, le fief des Chatterley, dans un pays de mines de charbon qui commence à changer, à se déboiser pour s'industrialiser de plus en plus mais qui en même temps entrevoit un avenir fait de récession.  Son mari Clifford, revenu de la Première Guerre Mondiale dans un fauteuil roulant, devient d'abord un écrivain au succès grandissant puis un patron, reprenant enfin la sucession de son père et s'y consacrant totalement. Quelque soit son activité, il est profondément ennuyeux dans l'intimité de son foyer, dans ses conversations et la jeune Lady dépérit auprès de lui, d'autant plus que la guerre l'a rendu incapable de remplir son devoir conjugal. Après avoir croisé le garde-chasse du domaine, Mellors, elle tombe rapidement dans ses bras. Celui-ci lui fait découvrir le plaisir sexuel, la fait se découvrir elle-même, sa vraie nature, quelqu'un fait pour la sensualité, pour la maternité et pas pour cet intellectualisme un peu vain de son mari et de ses amis. 

Ce sont ses convictions que D.H. Lawrence a donné à ses deux héros amoureux Constance et Mellors. Celles prônant un retour au plaisir et à la nature contre un régime de tabous sexuels et un monde industriel généré par un appât du gain toujours plus grand. 

C'est un livre très facile, que j'ai pris plaisir à lire. On ne peut qu'être séduit par l'histoire de Constance et Mellors et je l'ai été, ils s'aiment vraiment, mais on peut trouver aussi, comme moi, que la charge contre Sir Clifford est un peu forte : son dédain envers le "petit" peuple, son impuissance, son cynisme ... D.H. Lawrence a décidé qu'il n'y aurait rien pour lui.


L'amant de Lady Chatterley ( David Herbert Lawrence ) ( 1928 ) Editions Le Livre de Poche

mardi 22 septembre 2020

Les braises - Sandor Marai

 


Les braises, c'est un rendez-vous. Il a été pris par les deux meilleurs amis du monde ; il a été tacitement pris ; quarante-et-un ans auparavant. Dans son château, le général Henri reçoit la visite de son vieil ami Conrad. De si nombreuses années, plus de quatre décennies qu'il attend et prépare cette rencontre.

Les deux se sont connus jeunes, faisant ensemble l'école militaire, Henri le fortuné accueillant le moins chanceux Conrad. Tout, à cette époque-là, aurait pu être pour le mieux si Conrad ne s'était révélé au fil du temps différent, peu fait pour la carrière des armes et plus pour la musique et l'art en général. Henri, pendant toutes ses années de solitude, séparé de sa femme Christine pour une raison et d'une manière que l'on apprendra et encore après la mort de celle-ci, a eu tout le temps du monde de ruminer cette affaire, de se poser des foules de questions, d'y répondre. Ce qui fait que cette rencontre aurait pu ne pas avoir lieu mais elle a été inscrite quelque part et fatalement ... Petit à petit, Henri refait pendant cette soirée et cette nuit qu'il va passer avec Conrad le bilan de sa vie, celui qu'il a mis quarante-et-un ans à élaborer. Petit à petit, nous découvrons ce qui a séparé les deux hommes, la raison pour laquelle Conrad est parti du jour au lendemain sous les Tropiques.

Nous sommes aux premiers bourdonnements de la Seconde Guerre Mondiale - ils ont vécu bien différemment la Première, Henri au feu, Conrad très loin de lui - et les deux vieillards observent en même temps que leur histoire conjointe, la Grande, en même temps que leur décrépitude, celle de leur pays qui n'est plus, celle de leur génération qui sera bientôt du passé. 

Sandor Marai est encore un nom dont je n'avais jamais entendu parler avant d'aller sur le blog de Claude ( Blogart / La Comtesse ).  Merci Claude pour cette nouvelle découverte importante. 


Les braises ( Sandor Marai ) ( 1942 ) Éditions Le Livre de Poche. 

mercredi 16 septembre 2020

Compilation 2020 / Numéro 1

1) Echoes, part 1 ( Pink Floyd )

2) Anyway the wind blows ( Eric Clapton / J.J. Cale and friends )

3) Roads ( Portishead ) 

4) Chocolate Jesus ( Tom Waits ) 

5) The sound of silence ( Simon and Garfunkel ) 

6) Hemingway ( Paolo Conte ) 

7) Dollar bill blues ( Townes Van Zandt ) 

8) Ball and chain ( Big Brother and The Holding Company with Janis Joplin ) 

9) Shelter from the storm ( Bob Dylan ) 

10) The river ( Bruce Springsteen ) 

11) Mr. Soul ( Neil Young ) 


Pink Floyd, pour moi, c'est 1967-1977, rien à jeter, même les morceaux les moins bons. Après 1977, c'est autre chose. 

1971 : les Pink Floyd en live - et de concert - avec sans doute déjà en tête ce qui deviendra leur grande œuvre, Dark Side of the moon. 

Le titre Echoes, dans l'amphithéâtre de Pompéi, est parfaitement approprié en ces lieux avec pour seul public peut-être celui composé des fantômes des personnes mortes dans l'éruption du Vésuve. 





mardi 15 septembre 2020

Clea - Lawrence Durrell

 


Dans Clea, on assiste aux retours de Darley. Retour en temps que narrateur et également, se décidant enfin à quitter son île, retour à Alexandrie - en chair et en os, cette fois-ci. C'est pour Clea qu'il revient ... pour faire avancer cette histoire jusqu'à sa conclusion aussi. Nous sommes quelques années après les trois premiers volumes, en pleine Seconde Guerre Mondiale. Darley découvre d'ailleurs une Alexandrie sous les bombardements. Qu'en est-il de Nessim ? de Justine ? de Balthazar ? de Mountolive ? de la mémoire de Scobie ? Quelle est la véritable raison du suicide de Pursewarden ? Toutes ces questions trouveront ici des réponses. 

Voilà donc le quatrième et dernier volume du Quatuor et si, sur mes trois premiers posts, j'ai dévoilé certaines choses de l'histoire, c'était au final bien peu tellement celle-ci est riche, en personnages, en rebondissements ...

Ce Quatuor d'Alexandrie est bien une des grandes œuvres littéraires du 20ème siècle de par sa composition particulière ( pour résumer, les trois premiers tomes racontant la même histoire différemment et le quatrième en conclusion ), de par son style ( les descriptions, qu'elles soient de la ville ou de ses environs, à la fois précises et poétiques, créent une Alexandrie dans le même mouvement prosaïque et onirique où nous avons la très nette impression d'évoluer nous-mêmes ), de par ses personnages récurrents ( principaux ou secondaires, leurs particularités physiques ou de langage les rendent mémorables ), de par les signes ( Durrell et son narrateur se référant souvent à la mythologie grecque ), de par ses nombreux pièges et fausses pistes ...

Quatre romans indissociables et qu'il faut lire dans l'ordre, comme les quatre lettres du mot Love. Même si Justine dit de celui-ci : "Au diable le nom qu'on lui donne, qu'on l'écrive donc à l'envers, comme tu m'as dit que faisaient les Elizabéthains pour Dieu. Appelle-le Evol, comme dans "évolution" ou "révolte".


Clea ( Le quatuor d'Alexandrie 4 ) ( Lawrence Durrell ) ( 1960 ) Éditions Buchet/Chastel et Éditions Le Livre de Poche ( La Pochothèque ) 




dimanche 13 septembre 2020

Compilation 2020 / Numéro 2

1)

2) Anyway the wind blows ( Eric Clapton / J.J. Cale and friends )

3) Roads ( Portishead )

4) Chocolate Jesus ( Tom Waits )

5) The sound of silence ( Simon and Garfunkel )

6) Hemingway ( Paolo Conte )

7) Dollar bill blues ( Townes Van Zandt )

8) Ball and chain ( Big Brother and The Holding Company with Janis Joplin )

9) Shelter from the storm ( Bob Dylan )

10) The river ( Bruce Springsteen )

11) Mr. Soul ( Neil Young )


Trois guitaristes ont comptés pour moi. Mark Knopfler, auquel je dois mes premiers frissons musicaux. Jimi Hendrix aussi, je l'ai beaucoup écouté mais je le préférais blues à psyché. Et puis, est venu Eric Clapton. Je me suis mis alors à dérouler sa carrière. Et j'ai été si souvent enchanté par ce que j'entendais mais je l'admets, aussi déçu quand il s'éloignait de ce blues qui est son ADN. Pas de déception par contre quand il reprend un de mes héros, J.J. Cale, dont je ne reste pas  longtemps sans mettre un des albums, quel qu'il soit.

L'occasion est trop belle, deux de mes idoles qui s'amusent sur scène sur ce petit bijou Anyway the wind blows. En bonus, deux autres grands guitaristes : Derek Trucks et Doyle Bramhall II.

Hey, drummer, drummer, can you give me that beat
Can you give me that beat, got to move my feet




vendredi 11 septembre 2020

Compilation 2020 / Numéro 3

1)

2)

3) Roads ( Portishead )

4) Chocolate Jesus ( Tom Waits )

5) The sound of silence ( Simon and Garfunkel )

6) Hemingway ( Paolo Conte )

7) Dollar bill blues ( Townes Van Zandt )

8) Ball and chain ( Big Brother and The Holding Company with Janis Joplin )

9) Shelter from the storm ( Bob Dylan )

10) The river ( Bruce Springsteen )

11) Mr. Soul ( Neil Young )


Comme quoi, comme souvent, comme rarement, c'est plus comme je la ressens que comme je la comprends. 

Bien sûr, c'est une alchimie. Il y a dedans la guitare d'Adrian, il y a les bidouillages électroniques de Geoff ( samples de jazz, de musiques de films et autres ) mais c'est vrai, je l'avoue, pour moi, il y a surtout les mots, la voix unique, le chant désenchanté, torturé, de Beth.

Écoutez par exemple Mysterons ... Did you really want, écoutez Sour times ... Nobody loves me, it's true, not like you do, écoutez Roads ...




mardi 8 septembre 2020

Compilation 2020 / Numéro 4

1)

2)

3)

4) Chocolate Jesus ( Tom Waits )

5) The sound of silence ( Simon and Garfunkel )

6) Hemingway ( Paolo Conte )

7) Dollar bill blues ( Townes Van Zandt )

8) Ball and chain ( Big Brother and The Holding Company with Janis Joplin )

9) Shelter from the storm ( Bob Dylan )

10) The river ( Bruce Springsteen )

11) Mr. Soul ( Neil Young )


C'était en Mai 2000 pour la tournée Mule Variations, un des albums que j'ai le plus attendu de ma vie. C'était à Paris, au Grand Rex. 

Tom Waits, le personnage, son chapeau, ses mimiques, les poches de sa veste pleines de paillettes ou de poudre magique ...

Ces musiciens étaient déjà sur scène et avaient leurs instruments en mains. Les clameurs qui avaient accueilli l'entrée de son contrebassiste portant un chapeau étaient maintenant retombées. Alors que les derniers arrivants s'installaient, il est entré dans la salle par la même porte que moi, hurlant dans son mégaphone : "Good evening, Ladies and Gentlemen, good evening !", puis il a fendu la foule en le répétant et il a rejoint ses musiciens ...




lundi 7 septembre 2020

Mountolive - Lawrence Durrell

 



Un changement de taille pour ce troisième volume. Darley, le narrateur, a disparu et a été remplacé par un point de vue extérieur. Ceci rend la facture de ce roman beaucoup plus classique par rapport aux premiers échafaudés autour des réminiscences irrégulières de Darley. 

Il débute comme une préquelle de l'histoire précédente, s'attachant aux pas de David Mountolive. A l'époque du complot, il est nommé ambassadeur britannique, jonglant entre Le Caire, la capitale d'hiver et Alexandrie, celle d'été. Mais bien avant cela, jeune homme, il a déjà séjourné en Égypte où il fut l'amant de Leila Hosnani ( et l'amour de sa vie ), la mère de Nessim et Narouz, quand ceux-ci étaient adolescents. 

De part son angle de vue, ce volet est plus politique. Nous sommes dans les coulisses de la diplomatie, ses hauteurs et ses bassesses. Le complot de Nessim et Narouz est un sujet délicat pour l'ambassadeur à cause de sa proximité avec leur famille. Le suicide de Pursewarden, grâce à une dernière lettre envoyée à Mountolive, est ici clairement attribué à la mission que celui-ci lui avait confiée. Il avait défendu Nessim bec et ongles, ne le croyant capable d'aucune action néfaste contre les Anglais, il se sent honteux de s'être trompé et d'avoir été floué. 

Mais Alexandrie et ses amours sont toujours là. Qu'elles soient encore histoire de masques et de carnaval comme pour Amaril et Semira, histoire fraternelle comme pour Pursewarden et sa sœur aveugle Liza, dont le destin est de faire la rencontre de Mountolive ou histoire du passé comme pour celui-ci et Leila ...


Mountolive ( Le quatuor d'Alexandrie 3 ) ( Lawrence Durrell ) ( 1958 ) Éditions Buchet/Chastel et Éditions Le Livre de Poche ( La Pochothèque )




dimanche 6 septembre 2020

Compilation 2020 / Numéro 5

1)

2)

3)

4)

5) The sound of silence ( Simon and Garfunkel )

6) Hemingway ( Paolo Conte )

7) Dollar bill blues ( Townes Van Zandt )

8) Ball and chain ( Big Brother and The Holding Company with Janis Joplin )

9) Shelter from the storm ( Bob Dylan )

10) The river ( Bruce Springsteen )

11) Mr. Soul ( Neil Young )


J'ai d'abord découvert Paul Simon par Graceland et The rhythm of the saints. Je me rappelle d'ailleurs un petit effet dans une soirée avec des amis en passant The obvious child ... Et bien sûr, j'avais vu Le lauréat ... Mais c'est seulement après que je suis tombé sur The Concert in Central Park.

La première fois, c'était par une belle journée ensoleillée. C'est bizarre de se souvenir de ça ... J'avais ouvert les fenêtres et progressivement j'ai augmenté le volume. L'accord des voix de Simon et Garfunkel, la clarté,  la pureté de leur musique, de leurs mélodies ... il ne faut pas parler de perfection, mais ce jour-là ( et bien d'autres depuis ), il ne pouvait pas y avoir mieux.

PS : Comment peut-il y avoir ten thousand people and more le pouce baissé sous cette vidéo ?




samedi 5 septembre 2020

Balthazar - Lawrence Durrell

 


Toujours sur son île, le narrateur, dont on apprend enfin le nom, Darley, reçoit la visite éclair et surprise de Balthazar. Darley lui a en effet envoyé le manuscrit de "Justine". Balthazar vient le lui ramener et geste décisif, il s'est permis de mettre des commentaires dans les marges, lui révélant des réalités insoupçonnées, ainsi que de nombreuses erreurs dans le récit original.

La principale révélation de Balthazar est la destruction pure et simple de l'histoire d'amour avec Justine. Duperie, manipulation, le pauvre Darley va devoir faire avec ces mots-là, avec les sentiments qui en découlent : il faut qu'il se souvienne encore et dorénavant qu'il se souvienne mieux. Pourquoi la mauvaise humeur de Nessim, si celui-ci était au courant, s'il avait même encouragé cette liaison ? N'est-ce pas plutôt à cause de problèmes d'ordre politique ? Ce complot copte contre les intérêts anglais dont Nessim est l'instigateur, aidé par son frère Narouz, comment Darley a-t-il pu passer à côté ? Deux frères qui sont aussi dissemblables que possible : là où Nessim est beau, brillant, à l'aise en société, son frère est un homme de la terre, brute, sauvage et affublé d'un bec de lièvre. Son amour, non partagé certes, avec la belle Clea et de surprenantes qualités d'orateur, s'ils le sauvent à nos yeux, ne le feront peut-être pas aux yeux de certains.

Le suicide de Pursewarden, le seul véritable amour de Justine selon Balthazar, est encore vecteur de mystères ... Une histoire de mort de plus, une simple histoire d'Alexandrie ? à placer à côté de celle de Scobie, le policier travesti en femme qui se fait assassiner dans cet accoutrement ? Mais n'est-ce pas plus que ça, tant Pursewarden semblait avoir lui aussi d'autres implications que sentimentales dans sa vie ?

Dans ce deuxième tome du quatuor, si certains sont tombés, les masques ont toujours leur utilité, comme dans la grande scène du bal chez les Cervoni. Un masque, une cape comme à Venise et la seule façon de distinguer un homme d'une femme,  ce sont les mains. On peut voir si la personne porte une bague, mais si on ne regarde pas attentivement ... Narouz en fera les frais.


Balthazar ( Le quatuor d'Alexandrie 2 ) ( Lawrence Durrell ) ( 1958 ) Éditions Buchet/Chastel et Éditions Le Livre de Poche ( La Pochothèque )




vendredi 4 septembre 2020

Compilation 2020 / Numéro 6

1)

2)

3)

4)

5)

6) Hemingway ( Paolo Conte )

7) Dollar bill blues ( Townes Van Zandt )

8) Ball and chain ( Big Brother and The Holding Company with Janis Joplin )

9) Shelter from the storm ( Bob Dylan )

10) The river ( Bruce Springsteen )

11) Mr. Soul ( Neil Young )



Comme tout le monde, je connaissais Come di et Via con me. Chez un ami, j'ai vu ce disque : Concerti de Paolo Conte. Et ce titre : Hemingway. J'en ai lu les paroles. C'est là que ça a dû se passer. J'ai demandé à écouter. Plus j'attendais que la chanson arrive, plus j'aimais ce que j'entendais. Quelques jours après, je suis allé l'acheter. Je l'ai toujours vingt ans plus tard. Personne ne me le prendra.   





jeudi 3 septembre 2020

Justine - Lawrence Durrell

 



Réfugié sur une île grecque avec une petite fille ( celle de sa compagne Melissa ), le narrateur-écrivain anglais se souvient du temps qu'il a passé à Alexandrie et de sa liaison adultère avec Justine, la femme de Nessim, un riche industriel copte. 

Il veut en écrire l'histoire. Ça l'aidera peut-être à comprendre ce qui a pu l'amener à sa fin. Pour se faire, il a en sa possession le journal intime de Justine et Mœurs, le livre qu'Arnauti, son premier mari, a écrit sur leur vie en commun. Arnauti analysait son amour pour sa femme et sondait ses mystères. Des années après, le narrateur va en faire finalement tout autant.

Si Justine est le centre de la vie du narrateur, elle semble être aussi un centre pour de nombreuses autres personnes ... C'est le cas, si on excepte bien sûr Nessim, de Clea la peintre, de Pursewarden le truculent écrivain anglais, de Balthazar le médecin homosexuel, d'autres encore ... Quelles sont les relations profondes qu'elle a tissé avec ces gens-là ? A-t-elle été l'amante de Pursewarden ? de Clea ? de qui d'autre ? Balthazar quant à lui semble savoir beaucoup de choses et quel est le rôle exact joué par la Cabale, la société secrète qu'il dirige ? Voilà certaines des questions que le narrateur se pose. Et sans être jamais sûr d'aucune réponse, il est en même temps assailli par des remords pour le mal qu'il fait à son ami Nessim, dont la jalousie se fait de plus en plus grande et plus encore par ceux d'avoir délaissée Melissa, sa danseuse de maîtresse, atteinte d'une maladie qui va l'emporter. 

Et Alexandrie, cette cité, creuset de nombres de nationalités et de religions, quel rôle joue-t-elle dans tout ça ? A-t-elle une part de responsabilité dans les décisions désastreuses de ses habitants ? Est-elle génératrice de destins funestes ? Des questions, encore des questions ? Le flou et l'opacité règnent sur l'esprit du narrateur comme la brume sur les marécages du Lac Mareotis lors d'une des scènes finales, décisive, celle de la grande chasse aux canards.


Justine ( Le quatuor d'Alexandrie 1 ) ( Lawrence Durrell ) ( 1957 ) Éditions Buchet/Chastel et Éditions Le Livre de Poche ( La Pochothèque )




mercredi 2 septembre 2020

Compilation 2020 / Numéro 7

1)

2)

3)

4)

5)

6)

7) Dollar bill blues ( Townes Van Zandt )

8) Ball and chain ( Big Brother and The Holding Company with Janis Joplin )

9) Shelter from the storm ( Bob Dylan )

10) The river ( Bruce Springsteen )

11) Mr. Soul ( Neil Young )



Pas besoin de connaître en détails les paroles ou plus encore de les traduire, l'interprétation de Townes Van Zandt, sa voix et sa musique épurée, suffisent et disent déjà que ses textes sont profonds.

C'est pas si facile que ça, malheureusement, donc je suis content d'avoir déniché ce Dollar bill blues qui a été capté à Amsterdam en 1991. Elle est très proche dans le temps et la forme de l'album public Rain on a conga drum enregistré lui à Berlin en 1990, de la même manière, Van Zandt seul avec sa guitare. C'est ce disque qui me l'a fait découvrir et aimer immédiatement. 






lundi 31 août 2020

Compilation 2020 / Numéro 8

1)

2)

3)

4)

5)

6)

7)

8) Ball and chain ( Big Brother and The Holding Company with Janis Joplin )

9) Shelter from the storm ( Bob Dylan )

10) The river ( Bruce Springsteen )

11) Mr. Soul ( Neil Young )


Ball and chain, parce que cette musique de la fin des années 60 que Woodstock symbolise a été et est toujours importante pour moi, parce que la traînée lumineuse de la comète Janis restera visible à jamais, parce je l'écoute encore si souvent, parce que justement à Woodstock, elle n'était pas au mieux mais qu'à Monterrey deux ans plus tôt ... voyez vous-mêmes, parce qu'au Monterrey Pop 1967, il y avait une sacrée belle affiche comme on le voit dans le film de D.A. Pennebacker, parce que Ball and chain, c'est le blues, parce que c'est même autre chose, c'est le blues de Janis Joplin, son cœur et ses tripes sur scène ...




dimanche 30 août 2020

Zazie dans le métro - Raymond Queneau

 



La mère de Zazie part en vadrouille et laisse donc la gosse sous la garde de son tonton Gabriel, un colosse au cœur tendre. Et voilà celui-ci bien embêté. Car il ne veut pas faillir à sa tâche et celle-ci est rude : Zazie n'ayant pas froid aux yeux, ne manquant pas une occasion de prendre la tangente pour aller voir ailleurs ceux qui y sont.

Zazie côtoie par Gabriel tout le monde fleuri de ses amis et des habitants du quartier. Charles ( celui qui attend ), la douce Marceline, la femme de Gabriel qui fait toute chose doucement, mais encore Madeleine, Turandot, Gridoux, Fédor Balanovitch. Et d'autres encore, plus ou moins amicaux, la veuve Mouaque et bien sûr le type. Ce type sera plusieurs types au gré de ses noms et déguisements, pourrait être un satyre, pourrait être un flicmane. 

Personne n'a la langue dans sa poche dans ce livre. Et c'est Laverdure, le perroquet, qui a raison en répétant sans cesse : "Tu causes, tu causes, c'est tout ce que tu sais faire." Parce qu'il faut savoir que c'est pas parce qu'on a répondu à une question, qu'on ne peut pas la reposer. Zazie par exemple, aimerait savoir ce qu'est un hormosessuel et si son tonton Gabriel en est un. Qui, bien qu'il soit marié est tout de même danseuse de charme ...

A la fin, on revient au point de départ. On a vieilli.

C'est un ptit tour que j'ai fait du côté de chez Zazie, du côté de chez Queneau, dans son Paris burlesque, un gros gâteau de dialogues comiques, absurdes, de jeux de mots, de néologismes, d'argot que l'on peut savourer en buvant de la grenadine, la boisson préférée de Gabriel. 


Zazie dans le métro ( Raymond Queneau ) ( 1959 ) Éditions Gallimard. 

samedi 29 août 2020

Compilation 2020 / Numéro 9

1)

2)

3)

4)

5)

6)

7)

8)

9) Shelter from the storm ( Bob Dylan )

10) The river ( Bruce Springsteen )

11) Mr. Soul ( Neil Young )


Ce ne fut pas mauvais. Il a déroulé ses chansons pendant une heure et demie de façon professionnelle avec de bons musiciens.

Mais, comme il n'a joué que des claviers, excepté lors du rappel où la sécurité nous autorisa une approche de la scène, nous passâmes tout le temps à le deviner derrière son guitariste, qui non content d'être bien baraqué, avait un plus grand chapeau que lui.

C'était le 4 Juillet 2006 à Cournon. Et, grâce à Internet, je peux même dire ce qu'il a chanté : 13 titres, mélange d'anciennes et de plus récentes chansons, plus Like a rolling stone et All along the watchtower en rappel et bye, see you soon ...

J'ai vu Bob Dylan. 





jeudi 27 août 2020

Compilation 2020 / Numéro 10

1)

2)

3)

4)

5)

6)

7)

8)

9)

10) The river ( Bruce Springsteen )

11) Mr. Soul ( Neil Young )


Quand on parle de chanteurs en live, y a-t-il meilleur que le Boss ? donnant des concerts souvent très longs et débordant d'énergie ?

C'est quelqu'un que j'ai eu la chance de voir  ( il y a une éternité ), je peux en témoigner. 

J'aurais pu choisir tellement tellement de titres, des moins connus peut-être mais qui me transportent tout autant. J'ai décidé de ne pas le faire. The river donc ... mais il y a une raison quand même. Retrouver un peu de l'émotion gravée sur le Live 1975-85.




mardi 25 août 2020

Compilation 2020 / Numéro 11

1)

2)

3)

4)

5)

6)

7)

8)

9)

10)

11) Mr. Soul ( Neil Young )


Parmi tous les grands titres du Loner, Mr. Soul aura toujours une saveur particulière pour moi, un petit quelque chose en plus. Est-ce sa musique imparable, son texte court, rythmé ? Le Neil Young du début avec Buffalo Springfield et ses deux chansons phares, celle- ci et Broken arrow, est encore différent de tout ce qu'il pourra être, par la suite, tout au long de sa gigantesque discographie et de ses multiples visages. 

Et je trouve cette version acoustique magique. Elle vient, comme une petite sœur, pousser de l'épaule son aînée pour se faire une place sur la photo. Maintenant que le cliché a plusieurs années, peut-on dire laquelle est la plus belle ?




dimanche 19 juillet 2020

Danseur - Colum McCann



Danseur suit les pas de Rudolf Noureiev, génie russe de la danse. De sa "tendre" enfance où le "démon" s'empare de lui jusqu'aux prémices de la fin de ses capacités physiques à cause de la maladie quelques années avant sa mort. De sa pauvre Russie natale en guerre jusqu'à l'aura et la reconnaissance internationale.

Plutôt qu'une biographie classique, écrite à la troisième personne, Colum McCann propose un grand puzzle, un kaléidoscope permettant d'aborder Noureiev par petites touches. Ce sont quelques-unes des nombreuses personnes importantes ayant jalonnées sa vie qui vont apporter chacune sa pièce et l'emboîter sur le puzzle et même si ce n'est parfois pas leur intention première, parler aussi beaucoup de leur vie à eux, de leurs projets, de leurs attentes.
Les interventions respectant quand même un ordre à peu près chronologique, l'évolution de Rudik le petit garçon, puis l'adolescent, de Rudi le jeune homme, puis l'homme mûr se suit sans mal. Et quel est le portrait qu'elles brossent ? Celui de quelqu'un qui ayant pris conscience très tôt de dispositions exceptionnelles va se tourner tout entier de corps et d'esprit vers la danse, vers la perfection dans cet art. Si d'autres disciplines l'intéresseront, elles ne le feront que pour ce qu'elles pourront apporter à la sienne.
L'enfant qui dansait devant les soldats blessés en convalescence va brûler rapidement les étapes. La gloire locale, la gloire nationale, Moscou, Saint-Pétersbourg, le Kirov, et puis à 23 ans, la gloire sur toutes les scènes du monde, New York, Londres, Paris, après l'exil à l'Ouest dont il ne reviendra jamais.

Malgré les petites réserves que j'ai pu avoir après la lecture de Muse de Joseph O'Connor sur l'ambiguïté entre fiction et réalité, je me suis plongé presque aussitôt dans un livre utilisant un procédé similaire. Même s'il est impossible de laisser de côté l'image iconique du vrai Noureiev, encore tellement présente dans nos esprits, on se laisse rapidement emporter par la magie de ce roman. Par la magie d'un grand romancier.


Danseur ( Colum McCann ) ( 2003 ) Éditions 10/18.

mardi 14 juillet 2020

Eldorado - Laurent Gaudé



Salvatore Piracci est le commandant d'une frégate qui intercepte les embarcations de migrants dans les eaux proches de la Sicile. Revoir une femme qu'il a sauvée malgré elle quelques années auparavant le met face à sa vie, face surtout à l'utilité de sa mission. Il va tout arrêter. Il va partir. Il fera l'inusité voyage vers un pays que des milliers fuient pour tenter de rejoindre leur terre promise, leur Eldorado, l'Europe occidentale.
Soleiman est un de ceux-là. Il quitte son Soudan natal sous l'impulsion de son frère. Il s'embarque dès lors pour un périple pavé d'embûches, de barrières, de barbelés et d'émotions diamétralement opposées.
Si les deux pourront alors se croiser, ce ne sera pas lors d'une nuit de tempête sur le pont de la frégate de Piracci sous les yeux hagards de corps éreintés de fatigue. Mais sous les rayons cinglants du soleil d'un pays où ils seront tous les deux des étrangers.
C'est donc une histoire croisée, simple. Belle, peut-être parce qu'ayant plus que sa part de tragédie. L'écriture de Laurent Gaudé que je découvre y est d'une grande sobriété. Elle nous évite tout pathos et nous permet ainsi paradoxalement de mettre un doigt sur toute l'étendue de sa tristesse.


Eldorado ( Laurent Gaudé ) ( 2006 ) Éditions Babel. 

mardi 23 juin 2020

Muse - Joseph O'Connor



Je ne sais pas par quoi commencer. Faut-il dire d'abord que Muse est un sacré grand bouquin ou que malgré ça, je trouve le parti pris de Joseph O'Connor un peu déroutant, ambigu ? En effet, si vous êtes en quête de la vérité sur Molly Allgood, sur John Synge ou même sur Yeats ou Lady Gregory, ce n'est pas là qu'il faut venir. Joseph O'Connor a fait une œuvre de pure fiction avec certains faits réels pour base. L'histoire d'amour de Molly et John fut loin d'être telle, les lettres dans le livre sont inventées. La fin de vie de Molly ne fut pas aussi pathétique dans la réalité. Je me suis demandé en refermant le livre pourquoi O'Connor n'avait pas décidé de changer les noms des protagonistes.
Molly Allgood, sous son nom de scène Maire O'Neill, est une actrice comme sa sœur Sara, mais moins célèbre que cette dernière et lorsque nous tombons sur elle au début des années 50, elle vit les derniers jours de sa vie. Elle a deux penchants : un pour la boisson, un autre pour les souvenirs. Un peu toujours les mêmes. Ceux ayant trait à son grand amour, le dramaturge John Millington Synge. Elle dit d'ailleurs dans une lettre : "J'imagine que quand on est vieux, les souvenirs sont comme des pierres, on pose toujours le pied sur celles qu'on connaît bien pour ne pas tomber."
Puisqu'alors nous sommes assez loin de la réalité, on peut donc dire que c'est un magnifique personnage qu'a créé Joseph O'Connor. Une femme forte, intelligente, lucide, passionnément amoureuse malgré toutes les oppositions, drôle aussi.
On ne commande rien à l'amour et elle, Molly, cette belle jeune femme de 19 ans va aimer un homme de quasiment vingt ans de plus qu'elle, un homme casanier, frileux, soucieux du qu'en-dira-t'on, un fils à sa maman, perpétuellement perdu dans ses pensées et l'élaboration de son œuvre.
Entre son présent de 1952 et son passé du début du siècle, Molly navigue, ou plutôt dérive. Elle a pour compagnie une voix - sa conscience, quoi d'autre ? - qui la tutoie effrontément. Elle la laisse la juger, l'admonester, la moquer. A ses voix-là, que peut-on répondre ?


Muse ( Joseph O'Connor ) ( 2010 ) Éditions Phébus.

lundi 15 juin 2020

Cristal qui songe - Theodore Sturgeon



J'ai été déçu par ce livre de Theodore Sturgeon, pourtant un auteur de fantasy réputé. Publié en 1950, on peut dire qu'il a vieilli, et mal. Le style, s'il y en a un, est plat, trop plat même pour un livre de genre.
Cristal qui songe nous raconte l'histoire de Horty, un enfant dont on découvre vite qu'il est doté de pouvoirs exceptionnels, qui bien sûr font un envieux, un patron de fête foraine, Pierre Ganneval, dit le Cannibale. Pourquoi Ganneval cherche Horty ? D'où viennent ses pouvoirs ? Quel est le rôle des cristaux ? Je n'en dis pas plus. L'histoire en elle-même est loin d'être mauvaise, c'est son traitement qui l'est selon moi.
J'ai lu Cristal qui songe parce que j'ai appris que la série La caravane de l'étrange en était une adaptation. J'avais regardé cette série et j'en étais devenu accro jusqu'à ce qu'elle s'arrête net faute d'audience au bout de deux saisons sur les six prévues. Le livre de Sturgeon y était transporté très librement pendant la grande dépression des années 30.
Le titre de ce livre, je l'ai trouvé dans Dans le café de la jeunesse perdue. De tous les bouquins de science-fiction que Louki a lu, c'est le seul qu'elle est conservé.
Moi, je conserve le livre de Modiano, pas celui de Sturgeon.


Cristal qui songe ( Theodore Sturgeon ) ( 1950 ) Éditions J'ai lu. 



mardi 9 juin 2020

Bullitt - Peter Yates



Dans la nuit de San Francisco, il court à perdre haleine. Sur la piste de l'aéroport, il court après celui qui a mené tout le monde en bateau. Il porte une veste marron et un pull bleu à col roulé, un pantalon dans les tons noirs. Il se couche à un moment sur le tarmac entre les roues et le bruit assourdissant d'un avion de ligne. Et l'avion passé, il se relève et reprend sa course. Il porte la même tenue que lors de sa poursuite en voiture derrière le duo de tueurs.
Cette poursuite en Mustang, peut-être la plus mythique du cinéma, mais aussi, avant elle, lorsqu'il se gare dans la rue devant chez lui et fait quelques courses dans une épicerie avant de rentrer, lui et Cathy s'arrêtant sur le bord de l'autoroute parce qu'elle se sent mal après avoir été témoin de l'horreur du métier de son compagnon, son regard clair et celui sombre de son coéquipier Delgetti scrutant la foule de l'aéroport et bien sûr cette musique de Lalo Schiffrin ... tant de choses me restaient. Tant de choses me resteront ...
Bullitt, ce personnage et ce film, avec leur économie de mots, portent en eux et me la ramènent à chacun de mes visionnages une belle partie de mon enfance.


Bullitt ( Peter Yates ) ( 1968 )


lundi 8 juin 2020

Océans - Jacques Perrin / Jacques Cluzaud

C'est un impressionnant, un époustouflant ballet de bulles, de geysers, de tempêtes, de couleurs, de reflets, de scintillements, d'ondoiements, de louvoiements, de virages à 90, à 180, à 360, de vitesse, de force et de légèreté à la fois que proposent Jacques Perrin et Jacques Cluzaud. Aidés par des avancées techniques, par toute une équipe de photographes et caméramen  aventuriers et de leur patience infinie, ils ont réussi à collecter des images toutes étonnantes de créatures. Celles que je ne connaissais pas et aussi et surtout celles que je connaissais déjà mais que je n'avais jamais vu comme ça. Que je n'imaginais pas comme ça.
Un beau conte et un grand film écologique.




Océans ( Jacques Perrin / Jacques Cluzaud ) ( 2009 ).

dimanche 7 juin 2020

Les huit montagnes - Paolo Cognetti



Pour certains hommes, il n'y a finalement qu'une montagne qui compte vraiment. Celle où ils naissent et grandissent. C'est le cas pour Bruno qui y est né et ne connaît que celle-ci. Mais c'est le cas aussi pour Pietro, le narrateur, que Bruno surnomme Berio, qui signifie "rocher", qui y a grandi. Il n'y a qu'une montagne à lui faire cet effet, à lui faire ressentir ces émotions, à le faire en quelque sorte être lui. Cette montagne, il faut dire qu'il l'a comme reçue en héritage.
Une autre chose dont il a hérité aussi, c'est d'un père qu'il ne soupçonnait pas. Son père, il l'a laissé tomber comme beaucoup d'ados le font, mais en découvrant ou retrouvant différents objets, il comprendra enfin cet homme qu'il avait probablement mal jugé.
Cependant, ce qui domine dans cette histoire, c'est cette relation amicale entre Bruno et Berio. L'un paysan, gaillard, irrémédiablement ancré à son petit bout de pays et l'autre, plus fragile en apparence, globe-trotter, mais toujours mystérieusement ramené vers la montagne de son enfance.
Un deuxième livre de Paolo Cognetti, après Sofia s'habille toujours en noir, que j'ai aimé. Les deux attachants personnages principaux nous entraînant à travers sentiers, pierrailles, torrents, alpages, vires et cairns, vers une nature où il est interdit de tricher.


Les huit montagnes ( Paolo Cognetti ) ( 2016 ) Éditions Le Livre de Poche.

mardi 26 mai 2020

Dans le café de la jeunesse perdue - Patrick Modiano



Oh Louki
Que n'étais-je ce timide étudiant
En arrêt devant toi te dévorant
Ou ce privé à l'obscur pédigrée
Que ton mari avait dû engager

Oh Louki
Il y a ceux qui restent Louki
Et puis ceux qui ne le font pas
Ne le pouvant sans doute pas
Dans leur couple dans leur vie

Oh Louki
...
Je veux continuer à t'appeler
Comme on le faisait au Condé
Ton vrai prénom ton vrai nom
C'était pour un autre quartier
Mon vrai nom mon vrai prénom
C'était pour un autre temps
Avec toi je n'étais que Roland

Oh Louki
Il y a ceux qui ont l'art
De la fugue de la fuite
Ceux qui n'en ont que l'espoir
Ceux pour qui elle est inscrite

Oh Louki
Je me demande soudain
Où tu peux être maintenant
Et puis oui je me souviens
Je me souviens forcément


Dans le café de la jeunesse perdue ( Patrick Modiano ) ( 2007 ) Éditions Folio. 

mardi 19 mai 2020

Le procès - Franz Kafka



L'histoire de Joseph K. est célèbre. Elle a, aux côtés de celle de K. du Château, été à l'origine de l'adjectif "kafkaïen".
Un matin, à son réveil, il reçoit par l'intermédiaire de deux hommes la notification de son arrestation et conséquemment du début de son procès. De chapitres en chapitres, d'épisodes en épisodes, cherchant à savoir de quoi et par qui il est accusé, il pénétrera jusqu'à un certain point dans les arcanes d'un monstre inhumain. Parce qu'il faut le préciser, K. est arrêté mais libre d'aller et venir, pourvu qu'il se rende aux convocations de la justice. Il aura beau foncer, tête baissée parfois, se mettre en colère, user d'ironie, de causticité, rien y fera, il ne pourra en aucun cas démonter un seul des rouages de cette machine froide. Ces rouages ont pour visages avocat, juge, huissier ou les proches de ceux-ci. Mais tout est justice, il suffit d'ouvrir une porte anodine, de franchir un couloir, de monter un escalier pour se retrouver au tribunal. Ce sont des murs invisibles que Kafka met sur la route de son héros, comme la première porte de la Loi dans la parabole de l'homme qui bute toute sa vie durant devant celle-ci et son gardien. Et si Joseph K. n'était coupable finalement que de vivre ?
Ce qu'oppose en effet Kafka à cette machine, c'est un être de chair et de sang, avec du caractère, avec des pulsions sexuelles très marquées. Mlle Bürstner et Leni peuvent en témoigner. Alors la vie de Joseph K. peut paraître terne avec son emploi de fondé de pouvoir dans une banque et son existence solitaire dans la pension de Mme Grubach mais il est vivant, et bien vivant !

Ça faisait un moment que ce livre était sur mon étagère et que je lorgnais sa couverture avec le tableau de Bacon. Je n'arrivais pas à me décider à le relire ...
Peut-être parce qu'il existe une nouvelle traduction depuis quelques années et que celle-ci est l'originelle d'Alexandre Vialatte. Et le fait est qu'elle me semble à certains endroits un peu passée. Alexandre Vialatte, dont j'ai lu quelques-unes des excellentes chroniques dans La Montagne, n'était pas germanophone. C'était sa femme qui traduisait avec lui qui l'était. Ils se sont servis qui plus est de la version du livre qu'en a fait Max Brod, qui est sujet à caution.


Le procès ( Franz Kafka ) ( 1925 ) Éditions Folio.


dimanche 3 mai 2020

La neige de Saint Pierre - Leo Perutz



Lors d'un hiver à Morwede, une bourgade de Westphalie, il s'est passé des choses étranges : il y eut une révolte paysanne, un inventeur mettait la dernière main à ses recherches sur une substance ayant de grands pouvoirs, une ancienne lignée impériale était sur le point de renaître de ses cendres ... Cela s'est passé pendant le temps où le docteur Amberg y a pris son premier poste.
Amberg se réveille d'un coma dans un hôpital. Rapidement, il met en doute la version des médecins sur la raison de sa présence en ce lieu. Non, il n'a pas été renversé par cette voiture, il l'a évité et il a bien rejoint la gare où il y a bien pris le train pour Morwede.
Lors du récit qu'il nous fait des événements tels qu'ils se sont déroulés selon lui, tous les lieux, tous les personnages, toutes les atmosphères sont chargés d'interrogations entre raison et folie, de soupçons de conspiration, de manipulation.
Quels sont les buts réels du baron von Malchin, avec ses idées politiques et religieuses et la soi-disant œuvre de sa vie, ceux de Federico, son fils adoptif, au comportement étrange, de Praxatine, son majordome, ce russe exubérant ? Et ce curé et cet instituteur qui semblent en savoir beaucoup plus qu'ils ne veulent bien dire ? Et surtout, quels sont les buts de Kallisto dite Bibiche, la femme dont le docteur est épris depuis la faculté de médecine - est-elle véritablement amoureuse de lui, comme elle le dit haut et fort et si souvent ou ne jouerait-elle pas en fin de compte un double-jeu ? N'y aurait-il pas de ce côté-là aussi quelque plan caché ?
Amberg devra arriver sur son lit d'hôpital pour se faire sa vérité. Et s'y accrocher.

C'est le quatrième livre de Leo Perutz que je lis. Encore une fois, je suis impressionné par la construction de son récit. Et comme pour les précédents, sa fluidité est un tour de force au regard de l'histoire racontée.
Ce roman est paru en 1933. En pleine montée du nazisme. Régime qui le censurera. On peut et on doit, dans l'histoire de Perutz, voir des parallèles avec la situation en Allemagne à cette époque-là.

Une nouvelle fois, un grand merci à Claude pour la découverte de Leo Perutz.


La neige de Saint Pierre ( Leo Perutz ) ( 1933 ) Éditions Zulma.


mardi 28 avril 2020

Jack Kerouac / Tom Waits ( 2 )

Jack & Neal / California, here I come 
( Tom Waits ) ( Joseph Meyer, Al Jolson, Buddy G. De Sylva )


En 1977, sur Foreign affairs, son cinquième album, Tom Waits évoquait déjà Sur la route, faisant revivre Jack et Neal, ponctuant sa chanson par quelques mesures du classique California, here I come. 



lundi 27 avril 2020

Jack Kerouac / Tom Waits ( 1 )

On the road ( Home I'll never be )
Texte : Jack Kerouac
Musique : Tom Waits


Précisément, je ne sais pas quand Tom Waits a enregistré ce morceau. C'est quelque part dans les années 90 avec le groupe de rock alternatif Primus. On le trouve appeler On the road ou Home I'll never be. Il est paru sur le coffret d'inédits Orphans en 2006.



dimanche 26 avril 2020

Sur la route ( Le rouleau original ) - Jack Kerouac



On dit souvent que le rouleau est la première version de Sur la route mais l'écriture puis la parution de ce livre est une véritable épopée. Jack Kerouac commence "La route" en 1949, en fait plusieurs versions qui ne le satisfont pas et c'est en Avril 1951, en trois semaines à partir de ses nombreux carnets de notes, qu'il tape le rouleau, littéralement des feuilles de papier attachées ensemble pour ne pas avoir à s'arrêter - il n'y a aucun retour à la ligne, c'est un bloc de 450 pages.
C'est tout un cheminement créatif qui l'a mené à la rédaction du rouleau : de longues hésitations et réflexions à propos de ce que devait être sa "Route" et une révélation aussi : une lettre de 13 000 mots de Neal Cassady où celui-ci écrit un peu ce qui lui passe par la tête dans un flot continu.
Puis il faudra attendre six ans ( 1957 ) et de nombreuses négociations et de nombreux aménagements pour voir le roman enfin publié. Jack en aura fait deux autres versions à partir du rouleau.

Plus de Dean Moriarty ni de Sal Paradise. Dans le rouleau, les héros ont droit à leur véritable identité : Neal Cassady et Jack Kerouac donc. Tous les autres de même : Burroughs, Ginsberg, Carolyn, Louanne, etc ... Et quelque chose qui a aussi maintenant droit de cité : le sexe, notamment la bisexualité de Neal.

Juste après la Seconde Guerre Mondiale, Jack rencontre Neal à New York  par l'intermediaire d'amis dont Ginsberg.  Il décide de le rejoindre à Denver où il vit à l'époque avec Louanne Henderson. Et de là vont commencer leurs va-et-vient d'Est en Ouest, leurs zigzags aussi à travers la nuit américaine. De Denver à San Francisco où Neal se mariera avec Carolyn, de La Nouvelle Orléans où vit Burroughs à New York où Jack rentre de temps en temps auprès de sa mère.
Mais que recherchent Jack et Neal le long de cette course folle ? Le IT, la pulse : le ÇA, la pulsation.  Et cela se déniche peut-être dans les interminables lignes droites avalées à un 160 de croisière, dans la transe à l'écoute d'un morceau de bop, à l'intérieur de soi, dans son cœur.

Au départ, la lecture est perturbante de par la forme du livre et l'on se dit également que c'est avant tout une succession de faits, de déplacements pour la plupart et c'est au moment où l'on se dit ça que Kerouac vous attrape, quand il se pose enfin pour vivre en Californie une petite histoire d'amour avec Béa, une jeune mexicaine. Et quand il repartira, il vous amènera avec lui sur cette route-là, si particulière, sans arrêt, sans repos. Au cœur palpitant de la Beat Generation avec Neal le fou, le saint, l'ange dément et avec lui, Jack, son poisson-pilote.


Sur la route ( Le rouleau original ) ( Jack Kerouac ) ( 1951 ) ( 1957 ) Éditions Folio.

Album de la semaine #52

Rain dogs - Tom Waits - 1985 Extrait : Downtown train Voilà, c'est le dernier post de ce blog. Merci à tous les visiteurs, merci pour to...