mardi 27 octobre 2020

Treize histoires - William Faulkner

 


Ma lecture de Treize histoires fait suite, plusieurs années après, à celle du petit recueil Une rose pour Emily, quatre nouvelles piochées parmi ces treize-là.

Le livre est divisé en trois parties. La première regroupe quatre histoires de guerre, ou plutôt "d'après la guerre". Elles sont principalement inspirées par la petite expérience de l'auteur dans l'aviation. Cette guerre, la première, qui a fait beaucoup de morts et plus encore de morts vivants, tous vaincus de quelque côté qu'ils soient. La guerre est également présente dans la troisième partie et ses trois nouvelles avec cette fois l'Italie en toile de fond. On mettra le dernier texte Carcassonne à part, quelques pages d'un rêve entre profondeurs de la mer, cavalier et cheval grimpant jusqu'au firmament où l'on retrouve dans sa construction et sa musique un peu du Faulkner du Bruit et la fureur. Ce Faulkner-là, c'est celui de son comté imaginaire, le Yoknapatawpha, creuset de tous ses chefs d'œuvre. C'est celui aussi ici des six histoires qui forment la partie centrale. Les quatre nouvelles que je connaissais déjà, Une rose pour Emily, Chevelure, Soleil couchant et Septembre ardent côtoient deux autres textes, Feuilles rouges et Un juste, dans lesquels nous remontons le temps : le comté étant alors dirigé par les Indiens, il faut prendre pour argent comptant leurs croyances, leur magie ainsi que leur violence.

C'est toujours une lecture déroutante un livre de Faulkner, quel qu'il soit. Il faut souvent se contenter de ressentir à défaut de comprendre. Finalement, c'est un peu moins le cas pour les quatre histoires extraites dans Une rose pour Emily, qui sont de ce fait plus accessibles. Si Soleil couchant reste quand même ma préférée car on y retrouve là les Compson, les parents et trois des enfants, Caddy, Jason et Quentin, ces quatre nouvelles sont-elles pour autant les meilleures ? Il y a tellement dans tous les textes de William Faulkner, qu'il faudrait pouvoir lire et relire, tant de choses nous échappant à la première lecture. 

Treize histoires ( William Faulkner ) ( 1931 ) Editions Folio. 

vendredi 23 octobre 2020

Paterson - Jim Jarmusch

Notre Palme d'or, dit Télérama sur la jaquette du Dvd. Si les films de Jarmusch ont souvent été récompensés, aucun n'a jamais eu la Palme. Je ne sais pas si celui-ci aurait dû l'avoir, la méritait plus que le film primé ; pour moi, c'est toute l'œuvre de Jarmusch qui est une de mes Palmes d'or. 

J'aime par exemple l'œil qu'il pose sur le monde, son humour subtil, son éloge de la lenteur cinématographique. J'aime par exemple ses bandes originales ( Neil Young, John Lurie, Tom Waits, etc ), la galerie de musiciens qui peuple ses films, le cosmopolitisme de ses acteurs ...

Bien sûr, je suis parfois resté sur ma faim, c'est le cas avec The limits of control ou Coffee and cigarettes ( version long métrage ). Il faut dire que souvent il ne se passe pas grand-chose dans les films de Jarmusch, mais je préfère ses pas grand-chose aux trop de choses de beaucoup d'autres. 


Paterson habite à Paterson. Il y est conducteur de bus. Il y mène une vie réglée comme du papier à musique. Il se lève le matin à 6 heures 15, laissant sa compagne Laura dormir encore, déjeune et se rend à son travail. A la fin de son service, il rentre chez lui, remet droite quotidiennement la boite aux lettres qui penche, écoute le récit de la journée de Laura ( elle a fait des cupcakes, elle a repeint quelque chose dans la maison en noir et blanc, ses couleurs fétiches : un rideau, une de ses robes ... ). Apres dîner, il sort leur chien Marvin et s'arrête au bar de Doc où il écoute les petites histoires des habitués comme il l'a fait dans la journée pour ceux de son bus.

Mais dans sa vie, il y a autre chose. Une grande chose. Une deuxième grande chose après son amour pour Laura : la poésie. La poésie qu'il écrit, remplissant son cahier secret. Car elle est partout. Il suffit de savoir regarder. Le poème - c'est comme les chansons pour Keith Richards : elles sont dans l'air, on les attrape ou non - peut venir n'importe quand et de n'importe où. Il peut partir d'une petite boîte d'allumettes et grossir en un beau poème d'amour. C'est comme ça qu'a dû venir "Juste pour te dire" à William Carlos Williams, poème lu dans le film, Williams, natif de la ville de Paterson et qui donna ce nom à sa grande œuvre.


Paterson ( Jim Jarmusch ) ( 2016 )

jeudi 15 octobre 2020

Les oliviers du Négus - Laurent Gaudé

 


Les oliviers du Négus est un recueil de quatre nouvelles seulement, mais toutes excellentes. Laurent Gaudé sait saisir le moment de vérité de ses personnages et son style leurs questionnements, leurs doutes, leurs résolutions face à l'adversité quelle qu'elle soit.

Pourtant, ses personnages viennent d'horizons et d'époques bien diverses. Deux nouvelles nous emmènent en Sicile - décidément un pays cher à l'auteur -, la première auprès d'un homme et de sa famille se rendant à l'enterrement de Zio Négus ( surnom qu'il attrapa à son retour de la guerre en Ethiopie ) et ses souvenirs de cet homme le font réfléchir aux traces que l'on laisse ... la seconde auprès d'un juge à Palerme qui lutte contre la "Bête", qui après l'exécution de son ami Giovanni Falcone, sait maintenant qu'il est le prochain sur la liste et raconte de l'intérieur ses derniers jours. De derniers jours, il en est aussi question dans les deux autres histoires, une nous entraînant aux confins de l'Empire Romain à la suite d'un centurion, l'autre à celle d'un soldat durant la Première Guerre Mondiale. 

Quatre nouvelles bien différentes les unes des autres mais qui toutes ont la mort en commun. La mort qui s'annonce, qui est là, qui s'amuse à faire des œillades à ses prochaines proies ... hommes ... empire ... planète ?


Les oliviers du Négus ( Laurent Gaudé ) ( 2011 )  Editions Actes Sud

lundi 12 octobre 2020

Bords de l'Arno ( Oscar Wilde )

 


La très longue, saisissante, importante Ballade de la geôle de Reading ( 1898 ), que je ne peux reproduire ici, est dans ce petit recueil précédée d'une sélection de vingt-quatre poèmes de 1881. En voici un. 


Bords de l'Arno 

Le laurier-rose sur le mur
Vire au pourpre à la lueur de l'aube,
Mais l'ombre grise de la nuit
S'étend encore sur Florence. 

La rosée éclaire la colline,
Les bourgeons brillent tout là-haut, 
Mais, ah ! les cigales ont fui
Et leur chant attique a cessé. 

A peine si les feuilles bougent
A la suave brise légère 
Et, dans le vallon fleurant l'amandier, 
Chante un rossignol solitaire.

Le jour, bientôt, te fera taire,
Ô rossignol, poursuis ton chant d'amour !
Tandis que sur l'ombreux bocage
Se brisent les flèches de la lune.

Bientôt, le matin filtrera 
De vert vêtu, sur le silence des pelouses
Et lancera à l'amour apeuré 
Les traits blancs de l'aurore, 

En se hissant à l'orient,
Terrassant la nuit qui frémit, 
Sans souci que mon cœur soit heureux 
Ou que meure le rossignol. 


La ballade de la geôle de Reading ( Oscar Wilde  ) ( 1881 ) ( 1898 ) Editions Folio.

lundi 5 octobre 2020

Leonard Cohen : interviews & conversations

 


Ce livre est comme son nom l'indique un recueil d'interviews de Leonard Cohen. Onze, pour être exact, plus ou moins longues, allant de 1965 à la dernière de 2016 au journal belge Moustique. En point d'orgue, l'entretien très fourni paru en Juillet 1991 dans Les Inrockuptibles Mensuel n°30. Une journée avec Leonard Cohen pour le récit d'une vie. En voici un petit extrait.

Christian Fevret

Vers 20 ans, vous avez été confronté à d'autres disparitions douloureuses. Les avez-vous abordées avec le même détachement que lors de la mort de votre père ?

Leonard Cohen 

J'imagine que oui. Irving Layton a un bon poème sur moi - il me connaissait bien à cet âge-là, j'avais 35 ans, mais il me connaissait depuis mes 17 ans. Il contient une image où je regarde impassiblement un massacre. 

Christian Fevret 

Plus tard, vous avez dit n'avoir eu peur de rien à cette époque : c'est une affirmation très impressionnante.

Leonard Cohen 

Surtout de la part d'un poltron ! Nous étions tous très sûrs de nous à cette époque. Nous ne spéculions pas sur des choses comme la mort, nous n'étions pas français ! Je savais que le monde était une boucherie, mais je pensais que c'était normal. Et je le pense toujours. Jamais je n'ai cru pouvoir le traverser sans être méchamment tailladé. Mais j'étais prêt pour le voyage. Anxieux, mais disposé à le faire. 

Christian Fevret 

Les gens ont ensuite parlé de vous comme d'un jeune homme très troublé, incertain de ses convictions, quelqu'un d'un peu absent.

Leonard Cohen 

Eh bien ... J'ai commencé à déprimer peu après cette déclaration d'intention héroïque !

.../...


Ultime : Leonard Cohen Interviews & conversations ( 2019 ) Editions Nova


Album de la semaine #52

Rain dogs - Tom Waits - 1985 Extrait : Downtown train Voilà, c'est le dernier post de ce blog. Merci à tous les visiteurs, merci pour to...