dimanche 19 septembre 2021

Poésie 4/7

Charles Baudelaire - L'examen de minuit

La pendule, sonnant minuit,
Ironiquement nous engage
A nous rappeler quel usage
Nous fîmes du jour qui s'enfuit :
- Aujourd'hui, date fatidique, 
Vendredi, treize, nous avons,
Malgré tout ce que nous savons, 
Mené le train d'un hérétique. 

Nous avons blasphémé Jésus, 
Des Dieux le plus incontestable !
Comme un parasite à la table
De quelque monstrueux Crésus,
Nous avons, pour plaire à la brute,
Digne vassale des Démons, 
Insulté ce que nous aimons 
Et flatté ce qui nous rebute ;

Contristé, servile bourreau, 
Le faible qu'à tort on méprise ;
Salué l'énorme Bêtise,
La Bêtise au front de taureau ;
Baisé la stupide Matière 
Avec grande dévotion, 
Et de la putréfaction 
Béni la blafarde lumière. 

Enfin, nous avons, pour noyer
Le vertige dans le délire, 
Nous, prêtre orgueilleux de la Lyre,
Dont la gloire est de déployer 
L'ivresse des choses funèbres, 
Bu sans soif et mangé sans faim !...
- Vite soufflons la lampe, afin
De nous cacher dans les ténèbres !





( Charles Baudelaire / Léo Ferré ) 

Charles et Léo - Jean-Louis Murat ( 2007 )



2 commentaires:

  1. Hello Patrick. Bonne idée, un peu de Baudelaire ne peut que faire du bien malgré la noirceur. Mais quels mots! La Bêtise au front de taureau, prêtre orgueilleux de la Lyre, de la putréfaction la blafarde lumière. Merci.

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  2. Hello Claude. Oui, cette strophe est éblouissante, de noirceur. Un poète qui a beaucoup influencé Murat. Je n'ai lu que Les fleurs du mal et ne connais pas les adaptations de Ferré.
    Merci Claude. A bientôt.

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