jeudi 5 août 2021

Poésie 1/7

Allen Ginsberg - A supermarket in California

  What thoughts I have of you tonight, Walt Whitman, for I walked down the sidestreets under the trees with a headache self-conscious looking at the full moon.
  In my hungry fatigue, and shopping for images, I went into the neon fruit supermarket, dreaming of your enumerations !
  What peaches and what penumbras ! Whole families shopping at night ! Aisles full of husbands ! Wives in the avocados, babies in the tomatoes ! - and you, Garcia Lorca, what were you doing down by the watermelons ?

  I saw you, Walt Whitman, childless, lonely old grubber, poking among the meats in the refrigerator and eyeing the grocery boys. 
  I heard you asking questions of each : Who killed the pork chops ? What price bananas ? Are you my Angel ?
  I wandered in and out of the brilliant stacks of cans following you, and followed in my imagination by the store detective. 
  We strode down the open corridors together in our solitary fancy tasting artichokes, possessing every frozen delicacy, and never passing the cashier. 

  Where are we going, Walt Whitman ? The doors close in an hour. Which way does your beard point tonight ? 
  ( I touch your book and dream of our odyssey in the supermarket and feel absurd ) 
  Will we walk all night through solitary streets ? The trees add shade to shade, lights out in the houses, we'll both be lonely. 
  Will we stroll dreaming of the lost America of love past blue automobiles in driveways, home to our silent cottage ?
  Ah, dear father, graybeard, lonely old courage-teacher, what America did you have when Charon quit poling his ferry and you got out on a smoking bank and stood watching the boat disappear on the black waters of Lethe ?


Un supermarché en Californie 

  Quelles pensées j'ai de toi ce soir, Walt Whitman, car j'ai descendu les petites rues sous les arbres avec un mal de tête et conscient de moi en regardant la pleine lune.
  Dans ma fatigue affamée, et faisant emplettes d'images, je suis entré au supermarché fruits-néon, rêvant de tes énumérations !
  Quelles pêches et quelles pénombres ! Des familles entières faisant leurs courses la nuit ! Des rayons pleins de maris ! Des épouses dans les avocats, des bébés dans les tomates ! - et toi, Garcia Lorca, que faisais-tu près des pastèques ?

  Je t'ai vu, Walt Whitman, sans enfant, vieux bouffeur solitaire fouinant parmi les viandes dans le congélateur et zieutant les garçons épiciers. 
  Je t'ai entendu questionner chacun d'eux : Qui a tué les côtes de porc ? A quel prix les bananes ? Es-tu mon Ange ?
  Je suis entré et sorti des piles brillantes de boîtes de conserve te suivant, et suivi en mon imagination par le détective du magasin. 
  Nous avons arpenté les travées ouvertes unis dans notre fantaisie solitaire goûtant aux artichauts, possédant tous les mets surgelés, sans jamais passer à la caisse.

  Où allons-nous, Walt Whitman ? Les portes ferment dans une heure. De quel côté ta barbe pointe-t-elle ce soir ? 
  ( Je touche ton livre et rêve de notre odyssée dans le supermarché et me trouve absurde. )
  Marcherons-nous toute la nuit par les rues solitaires ? Les arbres ajoutent de l'ombre à l'ombre, les lumières s'éteignent aux maisons, on va être esseulé tous les deux.
  Flânerons-nous rêvant de l'Amérique perdue de l'amour le long des automobiles bleues aux entrées des garages, rentrant à notre cottage silencieux ?
  Ah, cher père, barbe-grise, vieux maître-courage solitaire, quelle Amérique as-tu eue quand Charon s'arrêta de pousser la perche de son bac et que tu descendis sur un rivage fumant et restas planté à regarder le bateau disparaître sur les eaux noires du Léthé ?


Berkeley 1955







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